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LOUIS BOUILHET

peut-être rien à leur envier. Si les autres personnages créés par le poète semblent présenter plus de variété, leur caractère n’est point suffisamment tranché. Mme  Daubret, Marceline Peyron, Flavignac auraient grand besoin d’un coup de brosse plus net et plus vigoureux. Quatre ou cinq figures font cependant contraste avec ces personnages dont la couleur est un peu pâle, c’est Daubret le banquier, c’est Dolorès, c’est Mme  de Montarcy et Mme  de Maintenon, c’est Faustine, c’est don Pèdre de Torrès, c’est Poltrot de Méré, encore ces deux derniers personnages n’ont-ils qu’un rôle épisodique.

Tel nous apparaît dans son ensemble le théâtre de Louis Bouilhet avec ses qualités et ses défauts les plus saillants. Il fut bien accueilli, et il méritait de l’être. Il serait un jour ou l’autre soumis de nouveau à l’épreuve de la scène qu’il récolterait un regain d’applaudissements. Dans un temps où la prose et le réalisme ont chassé la poésie du Théâtre, il arrivé des moments où les imaginations même les plus vulgaires se fatiguent des productions plates ou malsaines des écrivains dramatiques. Vienne une œuvre distinguée et poétique, nouvelle ou déjà ancienne, elle est la bienvenue ; c’est une note éclatante dans le concert si monotone que nous offre le théâtre contemporain, c’est un hôte inattendu qui marque sa place et à qui l’on fait fête. — Louis Bouilhet a déjà bénéficié du contraste de ses œuvres avec celles de ses contemporains au Théâtre ; il bénéficierait encore du contraste qui existe entre ses drames et les pièces des auteurs les plus remarqués aujourd’hui. — Ce n’est que justice. Comme dit un critique[1], ceux mêmes qui blâment l’emploi intempestif et intempérant de la poésie au Théâtre n’ont pas songé à lui reprocher trop durement ses écarts, ses fantaisies, et ses infractions aux règles

  1. M. Émile Montégut.