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SA VIE — SES ŒUVRES

Tous les trois se mirent à l’œuvre. Flaubert seul y avait de l’ardeur ; Bouilhet rêvassait ; le comte X… cherchait à fuir. Quand il s’agissait de littérature, Flaubert n’entendait pas raillerie et il traitait ses collaborateurs avec quelque sans-façon. Il leur envoyait des ordres de service comme pour une répétition théâtrale et n’était point satisfait lorsque l’on arrivait en retard. Bouilhet, assez soumis, ne se faisait pas trop attendre. Il n’en était pas de même du comte X…, que ce genre de travail passionnait peu et qui imaginait toutes sortes de subterfuges pour s’y soustraire. Un jour, il se présenta la tête embobelinée d’une marmotte, un gros paquet de coton sur la joue, gémissant et abattu par une rage de dents. Flaubert, irrité à la fois et attendri, leva la consigne et lui permit de s’en aller. Le comte X… ne se le fit pas répéter ; il partit ; mais, dés qu’il eut dépassé la porte, il mit la marmotte dans sa poche et alla se promener. C’était un effet de scène, comme on eût dit dans la féerie… »

Cette anecdote est plus ou moins authentique ; mais elle peut servir à indiquer la part considérable que Flaubert eut dans la composition de la féerie, combien il avait le travail tyrannique et comment il savait l’imposer aux autres… « Il était homme à enfermer un collaborateur et à le maintenir sous clé jusqu’à ce que la tâche fut achevée… »

Ce fut une véritable odyssée que le voyage de cette féerie vers un théâtre hospitalier, à travers les dédains de Marc-Fournier, de Jules Noriac, de Hostein et autres directeurs de théâtre, jusqu’au jour où la Vie moderne, une revue illustrée, recueillit la pauvre vagabonde. En dépit de ses pérégrinations infructueuses, la féerie trouva presque son théâtre : elle eut presque ses décors et ses acteurs, grâce à des illustrations dues à Chéret, Lavastre jeune, Chaperon, A. Rubé, Carpezat et Daran. Henry