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SA VIE — SES ŒUVRES

Je te suivrai si près, qu’en marchant, mon haleine
Ira dans tes cheveux, de parfums ruisselants,
Toujours derrière toi, par la ville ou la plaine,
Mon pas retentira ; mes yeux étincelants
Te verront dans la nuit, ô Paulus ; et ma haine
Étreindra ta jeunesse, en ses réseaux brûlants !

Comme la tombe aux morts je te serai fidèle !
Je suis à toi ! je suis ton génie envieux ;
Je ne te cherchais pas, quand tu vins, curieux,
Me trouver dans cette ombre où mon passé m’appelle…
Je dansais dans la rue, insouciante et belle,
Et j’avais, chaque soir, des fleurs dans mes cheveux !

Comme un ruisseau chantant qui court par les prairies,
Mon cœur se répandait en ses bonds incertains ;
Regarde, maintenant, j’ai mes lèvres flétries.
Mon visage a pâli, mes yeux se sont éteints,
Et tu jurais d’aimer, à ces heures chéries,
Où pour un seul baiser j’ai livré mes destins !

Ah ! ah ! tu croyais donc m’échapper ? Cette idée
Te vint de me laisser, ton désir assouvi.
Comme on jette aux bouffons une coupe vidée.
Comme on brise un hochet après qu’il a servi !
La chose, par Hercule, était bien décidée !
Et peut-être, en effet, que la matrone a ri !…

Insensés ! j’étais là, seule, dans l’ombre obscure.
Je comptais vos soupirs et vos joyeux serments ;
Le piège était tout prêt, j’attendis sans murmure,
La trahison veillait sur vos embrassements ;
J’ai ramassé cet or aux fanges de Suburre ;
J’avais la haine au cœur et j’ai dansé longtemps !…

Avec de pareils sentiments chez Melœnis, le dénouement du conte n’a rien qui nous étonne. La danseuse retournera aux bouges de Suburre, la haine au cœur, jusqu’à ce qu’elle ait trouvé le poignard implacable de Pentabolus.

Marcius, comme pour faire contraste avec la danseuse, se présente avec des traits d’un comique de bon goût. On le voit, quand il sort de la salle du festin, la figure enluminée, soufflant comme un phoque et prêt à écla-