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––––––Qu’a roussi tout mon fourniment,
––––––Et mon grand r’ssort bat la chamade !
––––––Pour toi, ma sultane, ma biche,
––––––J’ f’rais une grand’ compot’ d’Autrichiens,
––––––J’avalerais dix-huit Prussiens,
––––––D’ la vieille choucroûte et du stokfiche
–––––––––––Margoton, etc.
––––––––Pour ton œil colossal
––––––––Mon cœur s’ra de métal,
––––––––Ton tonneau, grand bocal,
––––––––De trois six pectoral,
–––––––Peut chercher, ça m’est égal,
–––––––––––Un autre local
–––––––Que mon estomac frugal,
––––––Qui dit : Bernique au cordial !

Sur la fin du couplet, Pascal est sorti de sa chambre.

PASCAL[1].

Ah ! pardieu ! c’te baronne est la meilleure comme la plus belle des femmes !

CHAMBORD.

Ah ! te voilà, Pascal… touche là, mon vieux ! j’ai eu mon baiser, nous sommes manche à manche. D’où viens-tu ?

PASCAL.

De visiter notre chambre à coucher.

CHAMBORD.

Ça n’est donc pas l’écurie ?

PASCAL.

Ah ! bah ! la baronne nous estime pour ce que nous valons… cet or ne venait pas d’elle, mais du bavard de tout-à-l’heure.

CHAMBORD.

Lui ! c’t’oiseau !

PASCAL.

Et, c’t’or-là, c’était pour payer le tapage que nous aurions fait ici.

CHAMBORD.

Jour de Dieu !

PASCAL.

Afin d’avoir l’air de la protéger contre nous, et d’arriver en douceur à épouser.

CHAMBORD.

Lui ! ce sapajou-là !… qui pourrait faire la fortune d’un marchand de curiosités… Où est-il ? je vas le casser.

PASCAL.

Chut ! et l’ordre du jour !

CHAMBORD.

Fichtre ! c’est vrai, fusillé en deux temps, pour une taloche adressée par un militaire à un indigène.

PASCAL.

Tiens, ne pensons plus à cet animal-là : songeons à elle, si bonne, si jolie ; elle est là, dans sa chambre… et dis donc Chambord, voici la nôtre.

CHAMBORD[2].

Vrai ! (Poussant la porte de la chambre.) Dieu ! l’amour de local !… et c’est là notre chambre ? on devrait fabriquer toutes les casernes sur ce modèle-là. Oh ! eh ! Pascal !… mais reluque donc, mon bon homme ; est-ce que t’oseras poser ton crâne sur ce lit-là, toi ?… Soigné le portefeuille… une pyramide, un vrai belvéder ; faut monter à l’assaut pour se coucher.

PASCAL, avec émotion.

C’est à la baronne que nous devons tout cela, Chambord.

CHAMBORD.

Oh ! baronne des baronnes !… je te suis dévoué, ainsi que tout mon fourniment, et si jamais je repasse par ici, je te prouverai mon estime en venant reloger chez toi… Approuvée la motion, n’est-ce pas, Pascal ?

PASCAL.

Oh ! quant à moi, j’aurais peut-être été ben heureux de ne jamais mettre les pieds ici.

CHAMBORD.

Hein ! qu’est-ce qui te passe donc dans la boule à toi ? Oh ! fameux ! v’là ma bergère !


Scène XI.

Les Mêmes, MINA, un panier de vin à la main et un flambeau.

Chambord court à elle et lui prend la taille.

MINA, se débattant.

Eh bien ! finirez-vous ?

Elle lève la main.

CHAMBORD.

Allez toujours ! v’là l’enclume… je rendrai ça aux Allemands avec les intérêts.

MINA, portant les bouteilles sur la table à gauche.

Vous allez me faire casser mes bouteilles ! et je ne redescendrais pas à la cave.

CHAMBORD.

Nous irions ensemble, biche des bois.

MINA.

Merci ; bonsoir, messieurs, bonne nuit !

CHAMBORD[3]. Est-ce qu’on peut dormir quand on est amoureux ?

Il lui prend la taille.

Air d’une Vengeance de modistes.
–––––––––––Ton œil noir
––––––––––Est de mon cœur
–––––––Le grand maître et le seigneur ;
–––––––––––Douce amie,
–––––––––––En Turquie,
––––––Je te jetterais le mouchoir.
––––––––Un baiser, bayadère,
––––––De toi je veux un souvenir.

Il la presse vivement.

MINA, lui donnant un soufflet.
––––––––Tenez, beau militaire,
––––Voici tout c’ que j’peux vous offrir.
CHAMBORD, tenant sa joue.
––––––Oh ! très-bonne la giroflée !
ENSEMBLE.
–––––––––––Ton œil noir, etc.
MINA.
–––––––––––Mon œil noir
––––––––––Est de son cœur
–––––––Le grand maître et le seigneur !
  1. Chambord, Pascal.
  2. Chambord, Pacal.
  3. Chambord, Mina, Pascal.