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Scène V.

CHAMBORD, PASCAL, WILHELMINE ; puis MINA, poursuivie par Chambord.
WILHELMINE.

Je n’ai plus rien à redouter… ce bon Frédéric ! j’avais méconnu la noblesse de ses sentimens.

MINA, en dehors.

Au secours ! au secours !

WILHELMINE.

C’est la voix de Mina !

MINA, entrant.

Oh ! ma bonne maîtresse, nous touchons à notre dernier moment ; les voilà ! les voilà !

CHAMBORD.

Par ici ! par mille tonnerres !

PASCAL.

Pas de quartier, mille z’yeux !… Oùs qu’il est ? nom d’un nom !… Halte-là !…

Il arrête Chambord[1].

WILHELMINE.

Je me meurs !

PASCAL.

Il n’y a que des femmes ici !

MINA, à part.

Qu’est-ce qu’ils vont donc nous faire… mon Dieu !

CHAMBORD.

Des jupons entièrement occupés !… Oh ! oh !… deux petites mères… physique flambard… pommadé… astiqué… prunelles en jais… bouche en cœur, nez pareil… suffit !… Armes, repos !

WILHELMINE.

Comme ils nous regardent !

MINA.

Du courage, madame.

CHAMBORD, à Pascal.

Attention, Pascal, la beauté nous passe en revue ; les cinq doigts et le pouce sur le liséré de la culotte, parade soignée, et balançons la gracieuse.

Il tourne la tête.

MINA, à part.

C’est qu’ils sont très-beaux hommes, ces monstres-là !… Je commence à me rassurer, madame la baronne.

CHAMBORD.

Baronne, excusez… nous sommes donc chez de la noblesse !… Dis donc, Pascal, c’te dame est écussonnée.

PASCAL.

Une aristocrate ! c’est donc ça qu’il y avait tant de sans cérémonie dans la réception !

WILHELMINE.

Croyez bien…

CHAMBORD.

Soignée l’introduction ! des boule-dogues de dix-huit pouces qui s’attaquent au bas de la giberne… merci !

PASCAL.

Les quadrupèdes, passe encore… mais des bales de fusil !

WILHELMINE.

Comment ! ce coup de feu, ce n’est pas vous qui l’avez tiré ?

CHAMBORD.

Nous autres ! joli !

PASCAL.

Tenez, citoyenne, v’là le petit noyau de plomb, je l’ai ramassé dans mon chapeau.

WILHELMINE.

Grand Dieu !

PASCAL.

Un peu plus bas, bonsoir la compagnie… à un autre !

MINA, à part.

J’avais bien visé tout de même.

CHAMBORD.

Aussi, mille tonnerres ! ça ne filera pas en conversation, y aura du grabuge !

PASCAL.

Chambord, pas de gestes, pas de vengeance… ça ferait peut-être pleurer madame, et j’aime pas voir pleurer les femmes, moi.

WILHELMINE.

Bon jeune homme !

CHAMBORD.

Et tu crois que je t’écouterai ! oh je débusquerai le sournois qui t’a envoyé le fruit ci-dessus, et si j’attrape l’indigène, je lui apprendrai le baragouin du sabre, ou la mélodie de la clarinette… Crédieu ! quelle leçon de danse et le cachet gratis !

MINA, s’avançant[2].

Arrêtez ! la personne que vous cherchez, c’est moi !

WILHELMINE.

Mina !

CHAMBORD et PASCAL.

Vous ?

MINA.

Oui, c’est moi qui ai fermé la grille, et c’est encore moi qui ai tiré sur votre camarade.

WILHELMINE.

Ah ! Mina !

CHAMBORD.

En v’là une, d’amazone !

PASCAL, à part.

Pauvre petite ! elle aurait pu se faire du mal !

MINA.

Je n’ai pensé qu’à vous, madame ; mais à présent, j’avoue que je suis contente d’avoir ajusté trop haut.

PASCAL.

Vous aviez donc bien peur de nous ?

CHAMBORD.

Vous croyiez peut-être que nous venons ici pour mettre tout à l’envers… erreur ! nous nous conduirons chez vous comme chez les autres particuliers qui ont déjà eu l’avantage de loger leurs vainqueurs… une place au feu, idem à la chan-

  1. Chambord, Pascal, Wilhelmine, Mina.
  2. Chambord, Mina, Wilhelmine.