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PASCAL.

Hein !… d’où sort-il donc celui là ?

CHAMBORD.

Dis donc, c’est peut-être le mari de la baronne ?

PASCAL.

Son mari !

FRÉDÉRIC.

Eh bien ! vous avez donc pénétré dans la place, malgré la résistance ?… Je vous félicite, grenadiers !

CHAMBORD.

Est-ce que vous en étiez, de la résistance ?

FRÉDÉRIC.

Moi, l’ennemi des Français !… Mais je suis presque un compatriote… J’ai vécu dix ans à Versailles, à Paris…

PASCAL, avec émotion.

Est-ce que vous êtes l’époux du château ?

FRÉDÉRIC.

Non.

PASCAL, à part.

Ah ! pauvre petite femme, je la plaignais déjà !

FRÉDÉRIC.

Je ne suis que le neveu de la baronne.

CHAMBORD, à part.

Son neveu !… Je l’aurais pris pour son grand-oncle.

FRÉDÉRIC.

Eh bien ! vous l’avez vue, la baronne… Elle vous a fait une singulière réception ; qu’en pensez-vous, mes braves ?

PASCAL.

Si la baronne a eu peur de nous, monsieur, elle est complètement rassurée ; la preuve, c’est qu’elle nous donne pour bivouac un pavillon, rien que ça… au milieu du jardin, avec de l’air autour… un logement de chef de brigade enfin !

FRÉDÉRIC, à part.

Ah ! diable ! ça ne fait pas mon affaire. (Haut.) Oui, le petit pavillon, je le connais… près de l’habitation des lapins.

CHAMBORD.

Hein ?… nous succéderions à de la gibelotte !

FRÉDÉRIC.

Ce prétendu pavillon n’est autre chose que l’ancienne écurie.

CHAMBORD, à Pascal.

Ah çà, mais dis donc…

PASCAL.

Eh ! non… t’as bien entendu tout-à-l’heure, elle nous a appelés ses amis.

FRÉDÉRIC.

Pauvre garçon ! qui ajoute foi au langage d’une grande dame, qui cache sous des paroles doucereuses sa frayeur ou son mépris.

PASCAL et CHAMBORD.

Son mépris !

PASCAL.

Mais cependant elle a recommandé qu’on nous traitât avec toutes sortes d’égards.

FREDERIC.

Oh ! rien ne vous manquera… On vous servira d’excellent vin ; mais il faudra le boire à l’office avec les valets.

PASCAL et CHAMBORD.

Des valets !

FRÉDÉRIC.

C’est oublier un peu trop que vous êtes des héros, et surtout des vainqueurs… La baronne s’expose ainsi à ce que vous l’en fassiez souvenir… Vous en avez le droit ; vous nous avez conquis… tout est à vous, ce château-ci, comme le mien.

CHAMBORD.

C’est vrai, au fait, nous pourrions nous faire servir en maîtres par c’ te baronne qui nous traite comme ses palefreniers.

PASCAL.

Certainement… oui ; mais s’attaquer à une femme qui n’a pour toute garnison que trois invalides et deux caniches… Oh ! ça serait une lâcheté, Chambord.

FRÉDÉRIC.

Et de plus, un mauvais calcul peut-être.

CHAMBORD et PASCAL.

Hein ! que voulez-vous dire ?

FRÉDÉRIC.

Si la baronne est fière et hautaine, elle est riche, très-riche… et, si vous êtes bien sages, bien humbles, elle vous fera peut-être jeter quelques pièces d’or par sa camériste.

PASCAL.

De l’or, à nous !… Vous nous insultez, monsieur.

FRÉDÉRIC.

Je vous ai déjà dit que j’agissais tout autrement… Je déjeune avec mes vainqueurs, moi… je ne les envoie pas à la cuisine.

CHAMBORD.

Décidément, Pascal, c’te grande dame veut nous mécaniser !

PASCAL.

Ça en a tout l’air.

FRÉDÉRIC, à part.

Les voilà bien préparés, employons mon dernier argument.

CHAMBORD.

Il n’est pas permis, quand on est baronne et jolie, de ravaler des hommes au point de…

Frédéric jette une bourse dans un chapeau.

FRÉDÉRIC, à part.

Ou je me trompe fort, ou nous allons voir un beau tapage tout-à-l’heure.

Il sort par le fond.


Scène VII.

CHAMBORD, PASCAL[1].
CHAMBORD.

Mille z’yeux ! nous allons nous en donner !… (Il prend son chapeau, et fait tomber une bourse.) Qu’est-ce que c’est que ça ?… un boursicot

PASCAL.

De l’or !

  1. Chambord, Pascal.