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Page:Anicet Dgenguiz Kan ou La conquete de la Chine.djvu/27

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ELMAÏ. Retenez-le !

Ici la jonque paraît au fond ; un seul homme la conduit, c’est le mandarin Papouf.

Scène IV.

Les Mêmes, PAPOUF.

TOUS. Papouf !…

PAPOUF. Oui, mes amis, c’est moi, Papouf, mandarin de quatrième classe. Comment, vous m’avez reconnu ? je dois être pourtant bien changé ! Si vous saviez tout ce qui m’est arrivé depuis… L’impératrice !… Je dois, avant tout, remplir ma mission auprès de vous, madame… Fait prisonnier hier, je m’attendais à être massacré aujourd’hui, quand tout-à-l’heure Dgenguiz-Kan m’a fait appeler : « Tu es libre ! tu vas retourner à Péking !… » Je croyais rêver !… il me semblait que je ressuscitais !… Dgenguiz-Kan ajouta : « Tu conduiras seul la jonque que tu ramèneras à Péking, et tu remettras à l’impératrice ce parchemin. » Je suis parti seul dans cette jonque, et voilà le parchemin !

ELMAÏ. Que signifie ?… Donne !

PAPOUF. Je suis si étourdi de mon bonheur, que je ne peux plus me tenir sur mes jambes.

ELMAÏ, lisant. « J’accepte l’échange… « je vous renvoie Tschongaï. »

PAPOUF. Hein !…

ELMAÏ, continuant. « Je vous traite, « cette fois, comme vous m’avez traité. »

ONLO. L’empereur !… où est l’empereur ?

PAPOUF. Je n’ai pas eu, que je sache, l’honneur de voyager avec lui… je suis venu seul, tout-à-fait seul… il n’y avait dans la jonque qu’un grand coffre soigneusement fermé, et que, d’ailleurs, je n’ai pas songé à ouvrir.

ELMAÏ. Quel soupçon !…

ONLO. Ce coffre ?

PAPOUF. Le voilà ! sans doute quelque présent.

ONLO, à ses guerriers. Suivez-moi.

Il court à la jonque.

ELMAÏ, à part. Ah ! ce serait horrible !

Elle court aussi à la jonque.

ONLO, la retenant. Ah ! n’approchez pas, madame ! ce n’est pas l’empereur… c’est son cadavre qu’on vous renvoie.

Monvement d’horreur.

PAPOUF. Je suis perdu !

ELMAÏ. Un cadavre ! voilà ce qu’il nous renvoie en échange d’Idamé ! (À Marco.) Et tu veux courir te livrer à ce bourreau ! oh ! non, tu ne me quitteras pas… Garde toutes tes forces, tout ton sang pour la vengeance ! (Au peuple.) Pourquoi baissez-vous ainsi vos fronts vers la terre ? vos armes semblent près de s’échapper de vos mains ! est-ce que le désespoir a remplacé la colère dans vos cœurs ? Regardez-moi ! il n’y a plus de larmes dans mes yeux ! écoutez-moi !… il n’y a plus de sanglots dans ma voix… et pourtant je suis mère ! et je n’ai plus de fille ! je suis femme ! et on me renvoie le cadavre de mon époux ! Ce ne sont plus des larmes que je dois… c’est du sang ! ce n’est plus la douleur qui remplit mon cœur, c’est la haine !… Oui, haine et mort à Dgenguiz-Kan !!… et ce cri va bientôt sortir de toutes les bouches ! Mères, femmes ! voilà ce que Dgenguiz fera de vos époux et de vos filles ! Armez-vous donc, car la nature vous donnera de la force pour défendre tout ce qui vous est cher ! Et vous, soldats ! ne croyez pas que Dgenguiz vous ait privés d’un chef !… À défaut d’un empereur, vous aurez une impératrice ; et, si elle ne sait pas vaincre, elle saura du moins combattre et mourir avec vous !

TOUS. Aux armes !

MARCO. La patrie d’Idamé est devenue la mienne ; donnez-moi donc des armes ! je veux vivre à présent pour venger votre fille !

Explosion.

ONLO. Dgenguiz a compté sur cet affreux spectacle pour troubler nos cœurs et glacer notre courage… il attaque la ville !

ELMAÏ. Onlo, courez aux murailles… opposez à l’assaut de Dgenguiz une opiniâtre résistance !… Moi, je vais parcourir. les rues de la grande cité… je ferai porter le corps de l’empereur, et pour auxiliaire je vous amènerai tout un peuple ; car, femmes, vieillards, enfans, tout sera soldat. Ne désespérez pas de l’empire : une armée perd et gagne des batailles ; mais le peuple, quand il se lève, sauve toujours la patrie !

TOUS. Aux armes !

Les ordres d’Elmaï s’exécutent. Les soldats suivent Onlo en criant : Aux remparts ! Les hommes du peuple vont prendre sur la jonque le corps de l’empereur et le portent devant Elmaï, qui a saisi une épée et qui appelle toute la ville aux armes ; le peuple la suit en criant : Aux armes ! La scène reste vide.

Scène V.

PAPOUF, puis LANDRY.

PAPOUF. Grâce à l’attaque des Mongols, on n’a pas songé à moi… Je comprends maintenant la clémence de Dgenguiz, il voulait me faire déchirer par mes compatriotes… Décidément, j’ai du bonheur aujourd’hui ; il ne me manquerait plus que de retrouver ma femme…