Scène Première.
IDAMÉ. Le ciel a eu pitié de nous, il a entendu nos prières, il a vu nos larmes… il nous rend à tous, une impératrice, il me rend à moi la plus tendre, la plus chérie des mères. L’empereur permet que nous ses filles, nous franchissions pour la première fois l’enceinte du palais impérial ; il permet qu’avec vous nous allions au-devant de notre mère. (Au mandarin.) Vous, intendant du palais, donnez des ordres pour que ma mère trouve partout un air de fête. (Explosion au loin.) Ce bruit nous annonce que l’impératrice est en vue de sa capitale. Partons, mes sœurs.
Scène II.
PAPOUF, à l’officier. Le noble mandarin Lipao, intendant du palais, peut-il recevoir le mandarin de troisième classe Papouf ?
L’OFFICIER. Le prêtre Lipao est fort occupé des préparatifs à faire pour la réception de l’impératrice ; je vais cependant lui annoncer votre visite.
LANDRY. Ah ! enfin nous sommes arrivés.
PAPOUF. Je t’avais prévenu que le palais impérial était à l’extrémité de la ville.
LANDRY. Doux Jésus ! quelle ville ! Nous marchons depuis ce matin ; je n’aurais pas mis plus de temps à faire le tour de la nouvelle enceinte de mon cher Paris.
PAPOUF. Qu’est-ce que c’est que ça : Paris ?
LANDRY. Une ville d’Europe où je suis né en l’an de grâce 1180, et que je croyais la plus grande et la plus belle du monde, mais qui serait plus à l’aise dans un faubourg de votre Péking que votre seigneurie ne l’est dans sa chaise à porteur. Il y a ici dans chaque rue de quoi peupler toute une principauté d’Allemagne. Le Chinois multiplie beaucoup.
PAPOUF, appelant. Tsi-Tsing !
LANDRY, se relournant. Dieu vous bénisse !… C’est magnifique.
PAPOUF, avec impatience. Tsi-Tsing !
LANDRY. Il s’enrhume du cerveau, le patron… Ça n’est pas étonnant avec une coiffure comme celle-là.
PAPOUF, avec colère. Est-ce que tu ne m’entends pas, drôle ?
LANDRY. Hein… Comment ?
PAPOUF. Je t’appelle depuis une heure.
LANDRY. Ah ! pardon, mais vous m’avez donné un si drôle de nom… Tsi-Tsing… je ne puis pas m’y habituer.
PAPOUF. Viens ici… J’ai une mouche sur le nez, chasse-la.
LANDRY. Oui, seigneur. (À part.) Sont-ils paresseux dans ce pays ! Ils se laisseraient dévorer plutôt que de… Allons donc… non, elle y tient… mais va-t’en donc. (Il donne un grand coup sur le nez de Papouf, qui tombe presque à la renverse.) Là ! elle est partie.
PAPOUF, se relevant. Tu mets trop de zèle dans ton service… mais je te pardonne parce que tu es doux et jovial. Je suis fort content de t’avoir acheté… Te trouves-tu bien chez moi ?
LANDRY. Je serais difficile, vraiment ; je bois du thé tant que je veux, je mange du riz tant que je peux, et j’engraisse à vue d’œil. De plus, rien à faire que le ménage de vos élèves, vingt mille vers à soie, c’est