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Page:Anjou - Véga la Magicienne, 1911.pdf/36

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Bravement, sans une inquiétude, l’aventureuse enfant continua sa course, à présent les murs ne touchaient plus ses coudes, très sensiblement le souterrain s’élargissait, s’exhaussait aussi, car les bras levés n’atteignaient pas le plafond.

Elle se baissa, le sol restait de sable sec, elle alla joindre un mur, le comprit en courbe, et alors elle fit le tour d’une pièce ronde.

— Une cave, un cachot, une oubliette ? Je suis un peu lasse, je vais me reposer, quelle heure peut-il bien être ?

Véga avait sa montre, elle l’entendait vivre dans le silence pesant. Seulement, pour voir, il n’y fallait pas compter. Elle l’ouvrit et avec les doigts tâta les aiguilles, la petite aiguille était sur cinq heures et la grande sur neuf heures.

— Le jour doit luire, pensa-t-elle, je ne vois rien, donc il n’y a ici aucune issue. Je crois que le plus sage serait de dormir, la Revenante finira bien par venir me délivrer de ce tombeau.

Seulement dormir, même lorsqu’on est inaccessible à la peur, n’est pas aisé quand les nerfs surexcités veulent une solution. Véga se releva, explora les entours avec ses doigts prudents ; elle s’aperçut qu’à un endroit elle touchait non la pierre, mais un battant de fer, elle le devina de la grandeur d’une porte, elle en étudia toutes les aspérités. Les clous, les anneaux, les chaînes, elle en avait l’expérience, seulement cette porte là était lisse.

Agacée, elle se rua contre elle de toutes ses forces et grande fut sa surprise de sentir que la porte cédait, lui livrait passage et retombait comme une portière de tapisserie…

Elle buta et faillit tomber, un escalier montant était devant elle. Tout de suite elle s’y engagea, un peu d’air plus vif arrivait et soudain elle éprouva un soulagement immense, une espèce de meurtrière envoyait du jour ! Oh ! le jour ! quel infini bonheur, le jour c’est la vie. Elle essaya de voir au dehors. C’étaient des arbres, des sapins.

En haut de l’escalier, elle se trouva dans un chemin de ronde et elle comprit.

— Me voilà dans le mur d’enceinte, je vais aboutir aux tours qui marquent l’entrée du parc du côté de la montagne.

Elle marchait allègrement, gaie maintenant, l’espoir au cœur, sa montre indiquait six heures, les oiseaux chantaient, elle percevait leurs voix amies par les meurtrières.

De temps à autre il y avait une petite plateforme formée par une tourelle en cul de lampe, puis ce fut la grande plateforme des tours en poivrière.

Elle se retrouvait fort bien. En bas était le jardin. Il ne lui restait qu’à descendre, par quel moyen ?

Évidemment il y en avait un, les hommes d’armes du moyen âge, à l’époque où toutes ces fortifications servaient, avaient un moyen probable de sortir de ce faîte. Le souterrain devait avoir pour but le ravitaillement secret des troupes en cas de siège ou la fuite des vaincus. C’était ingénieux tout cela.

Véga commençait à mourir de faim. Une meurtrière plus large lui permit de passer sa tête et de se pencher. Ce qu’elle vit n’était guère rassurant

Elle était très haut et des traces de marches montraient que jadis un escalier extérieur avait existé ; il était détruit, mais il restait des trous le long du mur.

— Voilà, se dit l’intrépide, il faut que je me lance par ce moyen, car en vérité je n’ai pas le courage de recommencer la vie des catacombes, je vais en me faisant toute petite, franchir la meurtrière et avec mes pieds et mes mains descendre jusqu’au bord de la fenêtre que j’aperçois à mi-route… à moins que je ne saute d’ici dans les branches de sapins en essayant de m’y accrocher.

Elle allait accomplir ce périlleux projet, quand une dernière réflexion la retint.

— La Revenante a un autre chemin, et elle est trop grande et trop grosse pour franchir un pareil passage.

Véga regarda les murs, le toit, puis le dallage, elle s’agenouilla et se mit à taper sur les larges dalles de granit, elles avaient toutes une belle sonorité, Véga frappait avec le manche de son petit couteau de poche. Un écho lointain répondait. Mais tout à coup elle s’arrêta. Une voix venait à elle :

— Qui frappe ainsi ?

— Moi, Mme la Revenante, où êtes-vous ? je vous ai cherchée toute la nuit.

— Éloignez-vous, j’ouvre.

Une trappe glissa aussitôt presque sous les pieds de Véga, une échelle s’y appuyait, au bas de l’échelle, tenant en main la corde qu’elle venait de tirer, l’apparition attendait !


XXIV

Les deux alliées

— Ah ! madame, dit Véga, en mettant enfin pied à terre, quel voyage je viens d’accomplir.

— Je suis encore plus stupéfaite de vous voir, mon enfant, il faut que vous soyez douée d’un courage et d’un sang-froid étonnants pour avoir triomphé de pareils obstacles.

— Je voulais arriver, puis je n’ai jamais peur.

— Pourquoi donc vouliez-vous me trouver ?…

— N’y voyez, je vous en prie, aucune indiscrétion, je ne me serais jamais permis de profiter du secret que votre bienveillante intervention m’a livré au moment où, profondément endormie, j’allais étouffer au milieu de la fumée, sans un cas de force majeure. Il m’a semblé que vous aimiez beaucoup Daniel.

— Ah ! oui, je l’aime, mais il l’ignore et je veux aussi qu’il m’ignore ; vous avez, ainsi que vous le dites, mon enfant, surpris un secret, gardez-le, je vous en supplie sur tout ce que vous avez de plus cher…

— Ce que je dois avoir de plus cher, hélas ! je ne le connais pas, madame, car je suis comme Daniel… ignorante de ma naissance.

— Que dites-vous ?

— La vérité, hélas ! mais l’heure est mal choisie pour vous conter mon histoire. Vous aimez Daniel… vous lui tenez de près, je crois le deviner, alors aidez-moi à le retrouver !

— À le retrouver ! il est donc parti ?

— Oui, involontairement, on l’a enlevé.

— Mon fils !

Ce mot avait jailli malgré elle, le cœur avait livré son mystère. Mais Véga ne releva pas l’interjection, elle soupçonnait déjà ce lien. Elle reprit :

— Je sais un peu de l’étrange histoire de Daniel, j’ai pu surprendre des complots, nous en avons déjoué quelques-uns, ce dernier nous a pris au dépourvu, la ruse cette fois a réussi mieux que la force.

Le front dans ses mains, la mère écoutait absorbée et Véga se mit à dire toute l’aventura récente sans oublier un détail. Elle conclut :