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8 ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

quatre ans l'intervalle dans lequel se place le retour aux prix forts.

C’est du côté de l'Égypte qu'il faut nous tourner pour comprendre ce qui s'est passé une première fois dans l'intervalle de 333 à 332, une seconde fois quarante ou cinquante ans plus tard. Car la fabrice tion et la vente du papier étaient une industrie et un commerce exclu- sivement égyptiens.

Or, tout indique qu’en Égypte le papier pouvait revenir très bon marché. La culture de la plante était fort répandue dans le Delta ; le travail demandait du soin, mais n'était pas compliqué ; la main- d'œuvre était abondante et ne coûtait guère que les frais d'entretien. Le prix de revient n'était donc pas élevé. C'est même cette raison qui à fait croire à Gardthausen qu'avant d'être exploité par le fisc impé- rial, le papyrus fut d’un prix extrêmement modéré. Mais l'hypothèse n’est juste, comme on vient de le voir, que pour un temps limité. Elle ne l'est ni pour les années antérieures à 332-322 ni pour les années postérieures à 296-282. Pourquoi ?

C'est que le monopole qui devait rendre le papyrus si cher sous les empereurs romains existait déjà sous les pharaons et fut recons- titué sous les Lagides. On voit dès lors ce qui s'est passé entre 333 et 322 et a déterminé une énorme baisse du papier. Tout simplement ceci : dans l'hiver 332-331, Alexandre a ouvert toutes grandes les portes de l'Egypte et fait affluer sur le marché grec les marchandises de l'Orient. En remplaçant les administrations nationales par la domination macédonienne, il a mis fin aux monopoles qui enrichi saient de temps immémorial le trésor des temples et la cassette royale. Alors commence pour la fabrication et la vente du papyrus un régime de liberté qui dure encore au commencement du mm siècle. Nous savons par ailleurs et nous constatons dans les comptes de Délos que Ptolémée, fils de Lagos, satrape indépendant depuis 341, roi depuis 305, n'avait pas encore réorganisé les monopoles en 296. Autre ment, dans une année où le maitre des iles, Démètrios Poliorcète, se trouvait en état de guerre avec le maitre de l'Égypte, le papyrus, plus cher déjà qu’en 322, eût été d’un prix quasiment inabordable.

Tout semble indiquer que Ptolémée Sôter ne changea pas de poli- tique fiscale jusqu’à son abdication en 285. Son successeur, au con-



4. Depuis que cet article a été lu au Congrès d'Oslo, j'ai trouvé par hasard, dans un texte qui m'avait complètement échappé, une éclatante confirmation des rapports à éta Dir entre le prix du papyrus sur le marehé grec et la situation de l'Éxypte. À la fin d'une lettre, adressée à Philippe de Macédoine dans la seconde moitié de 343, le philosophe Speusippos déclare que «le papier lui manque » pour écrire tout ce qu'il voudrait, « tant “st grande la disette de papier que le rol 1Artaxerxès) a eréée par la conquête de l'Égypte! » (Voir E. DickkRwaNx et Jou. SYkurats, Speusipps Brie/ an Kônig Philipp, Berichle der Sachs. Akad. der Wissensen. ru Leipzig, Philol-hist. Klasse, t. LXXX, 1928, fasc. IUT, p.12, 8 14; pour la date, voir p. 90 et ss.). Ce texte est d'une trés grande valeur pour notre recherche. Non seulement I nous lalsse dev iner que le papyrus pouvait atteindre ua prix formidable dans la période antérieure au dernier tiers du 1ve siècle ; mals c'est le seul document qui nous dise en toutes lettres que nous avons ralson, dans la question qui nous ‘occupe, de mettre l'histoire économique en relations avec l'histolre politique. �