HISTOIRE ÉCONOMIQUE DE LA RÉVOLUTION 139
leurs, pour apprécier l'importance des rachats, il faudrait en outre acquérir quelques données précises sur l'étendue des terres et le nombre des maisons soamises à l'agrière ou au cens. On voit seulement que la maxime : Nulle terre sans seignèur, demeurait contestée dans la région {p. 226, note 95), que cepen- dant il y avait peu d’alleux (p. 216), mais que plus d'un censitaire a pu se trouver libéré par la prescription, les arrérages n'étant souvent réclamés que tardivement, d'autant que beaucoup de cens étaient très minimes (p. 304-5).
Au surplus, ce n’est pas ainsi que M° Ferradou a posé le problème. 11 s’est proposé d'examiner si la loi du 15 mars 1790 était viable. Les administrations locales et les redevables ont souvent objecté qu'elle assujettissait le rachat à des formalités trop compliquées, à des conditions difficilement réalisables et onéreuses ; on a dit aussi que la solidarité entre les redevances et les droits casuels décourageait les bonnes volontés. Pour savoir à quoi s’en tenir, Mr Ferradou a donné à son étude un caractère juridique très marqué. Il étudie minutieusement la procédure (140 pages). Viennent ensuite deux chapitres sur le nombre et le produit des rachats et sur les personnes qui ont, racheté (32 pages). Le chapitre V sur les droits éteints (107 pages) nous ramène à l'examen d'un grand nombre de difficultés de procédure ; de même le chapitre VIII sur les sous-rachats {le seigneur remboursé devait lui-même dédommager son suzerain) ;le chapitre VIT sur les causes du rachat est d'un plus grand intérêt pour l'historien ; pareillement, les deux derniers sur la situa- ion en 1792 et 1793. Mr Ferradou conclut que la loi était viable et que les objections qu'on a formulées n'étaient pas fondées (p. 45). Il est certain qu'on a racheté des droits féodaux. Cependant il a lui-même signalé çà et là des difficultés de procédure {p. 9, 6-8, 78), des lenteurs administra- tives (p. 104-5), de la mauvaise volonté de la part de certains propriétaires de droits féodaux (p. 59, 72, 75) et notamment de la municipalité de Bor- deaux (p. 98-9, 453), le caractère onéreux des expertises (p. 225). Quelques réserves eussent donc semblé justifiées. En fait, il faut l'avouer, le nombre des rachats ne paraît pas considérable, même si l'on tient compte du caractère fragmentaire des sources. JEn 1790, le receveur du district de Bordeaux en a reçu 134, la ville 48 ; le district de Lesparre 68 jusqu'en août 1791. Les registres ouverts par l'administration de l'enregistrement et du domaine contiennent 5 rachats pour le bureau de La Réole, 7 à Podensac, 48 à Libourne, 1 à Bazas. Pour les rachats entre particuliers, treize notaires de Bordeaux ont fourni 68 quittances et 102 offres. Comme on le voit, c'est dans les villes qu'on a surtout racheté ; très peu de paysans se sont libérés (p. 241) et seu- lement pour des agrières d’un montant infime (p. 247). Dans le Nord, des communautés villageoises ont racheté des terrages ecclésiastiques mi vente par l'État, avec d'autant plus d’empr présentaient aussi comme enchérisseurs. 11 ne parait pas qu'il en ait été de même dans la Gironde. Du moins, M° Ferradou n'en dit rien. Quant aux citadins, ceux qui rachètent sont ordinairement des aisés (p. 211), qui veulent se libérer des droits casuels dôs à l'État, avant de vendre leurs immeubles. En effet, le décret du 14 novembre 1790 avait supprimé, pour ce qui concer- nait l'État, la solidarité entre ces droits et le cens ; or, les droits casuels étaient coutumièrement réduits aux cinq onzièmes et c’était précisément à
�