Page:Annales d’histoire économique et sociale - Tome 1 - 1929.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
ANNALES D’HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

ainsi au pouvoir du Chapitre. Il lui était impossible toutefois d’en disposer à son gré, puisque le comte se réservait d’approuver la nomination du magister scolarum, et que son intérêt le plus évident devait l’empêcher de ratifier un choix qui eût mécontenté la bourgeoisie.

Ce qui se passe à Gand illustre d’un exemple particulièrement bien connu une situation qui, dans ses traits essentiels, se rencontre dans les autres villes de Flandre. À Ypres, le Chapitre de Saint-Martin obtenait de Célestin III, en 1195, la confirmation de son droit de consentement à l’ouverture de toute école dans la ville[1]. On en doit conclure que ce droit avait donc été contesté. La décision du pape ne mit pas fin aux difficultés. Elles durèrent sans doute jusqu’au compromis conclu en 1253 entre le Chapitre et l’échevinage[2]. Cet acte décide qu’il y aura désormais à Ypres trois grandes écoles (scolæ majores), dont le Chapitre nommera les maîtres (rectores). Ceux-ci ne pourront exiger des élèves une rétribution supérieure à 10 sous annuellement. Il leur est défendu de rien leur demander sous prétexte de saignée, d’achat de paille ou de joncs à étendre sur le plancher de la classe ou de fabrication d’encre. Ils s’abstiendront également de faire des collectes parmi eux et d’en recevoir du pain[3]. En revanche, ces écoles n’auront pas à craindre la concurrence que leur faisait l’enseignement à domicile. À l’avenir, les bourgeois qui font élever leurs enfants par un clerc privé ne pourront admettre à ses leçons des enfants étrangers à leur famille. Quant aux petites écoles (parvæ scolæ), dont le programme ne va pas au delà de la lecture du Caton, pourra en ouvrir qui voudra, sans avoir à obtenir licence ni du Chapitre, ni des échevins.

Au milieu du xiiie siècle, l’enseignement urbain est donc largement organisé dans les villes flamandes. Toutes, grandes et petites, possèdent désormais des écoles. L’instruction n’y est plus bornée aux connaissances primaires. Ce n’était certainement pas à Ypres seulement que l’on rencontrait des scolæ majores et des scolæ minores. Ces dernières suffisaient aux enfants des négociants et des artisans[4]. Dans les autres se formaient sans doute les clercs qui, leurs études

  1. Feys et Nelis, Cartulaire de la prévôté de Saint-Martin à Ypres, t. 1, p. 31.
  2. Warnkœnig-Gheldof, Histoire d’Ypres, p. 369. Le compromis est daté du 6 novembre. Il fut certainement provoqué par la bulle d’Innocent IV, du 9 février 1253 (Ibid., p. 367) ordonnant, sur la plainte des échevins d’Ypres, de faire une enquête touchant le droit que s’arrogeait le Chapitre de S. Martin, d’excommunier les échevins à l’occasion de leurs empiètements sur les prérogatives du Chapitre en matière d’enseignement.
  3. « Pro pactis autem rectores dictarum scolarum non poterunt exigere ab aliquo scolarium suorum ultra summam decem solidorum, qua summa erunt contenti, nec poterunt pro minutione, nec pro stramine, nec pro joncis, nec pro gallis, nec aliqua alia de causa ultra dictam summam aliquid exigere, nec de pane puerorum aliquid accipere nec tallias in dictis scolis facere. »
  4. Au xiiie siècle, il paraît probable que plusieurs de ceux-ci savaient lire et écrire. Une « tendeuse aux lices » à Douai, à la fin du xiiie siècle, s’en rapporte à ses « escrits » pour revendiquer une dette. G. Espinas et H. Pirenne, Recueil de documents relatifs à l’histoire de l’industrie drapière en Flandre, t. II, p. 190. Un pareur de draps, à la même date, réclamant son salaire pour la préparation de 400 brunes, dit que « tant en avoit-il inscrit ». Ibid., p. 201.