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62 ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

exécuté entre 4699 et 17021. Les exploitations y sont morcelées et dispersées à l'extrême. Pourtant, au milieu de cette poussière de parcelles, quelques grandes pièces d’un seul tenant marquent de larges taches blanches ; quelle leçon de constater qu'elles appartiennent toutes, les unes au seigneur, les autres — constituées certainement par la réunion patiemment poursuivie de parcelles plus petites — à quelques familles de noblesse d'office et à un cer- tain Sébastien de Villiers, « marchand et laboureur», que tout le plan dénonce comme un acharné rassembleur de terres : probablement un de ces petits capi- talistes ruraux, un de ces «coqs de village», commerçants et usuriers, qui nt si souvent fait souche de grands propriétaires | La comparaison métho- dique entre les plans de dates diverses, là où il en existe pour le même terroir, apporte sur l'histoire de la propriété plus de précisions parfois qu’un monceau de textes. Reprenons notre plan de Monnerville de 1699-1702; mettons-le en regard du plan cadastral, établi en 1831, en commentant les deux cartes à Faide des pièces annexes, le terrier pour l’une, la matrice pour l'autre ; nous aurons face à face, en deux images concrètes, le point de départ et le point d'arrivée des grandes mutations révolutionnaires ?.

Il n'est guère de documents qui se suffisent à eux-mêmes. Les plans par- cellaires pas plus que les autres. Ge sont des témoins précieux qu'on a eu tort de ne pas interroger d'assez près ; mais ils ne livrent leurs secrets qu’une fois confrontés avec d'autres témoins. J'ai déjà fait allusion aux textes annexes ; j'aurai l’occasion d’y revenir plus loin. Ces textes même, sorte de glose per- pétuelle des plans, ne nous donnent pas tout le nécessaire. Le dépouillement des pièces d'archives de tout ordre, de la littérature juridique, l'examen des noms de lieux — notamment ces noms de « lieux-dits», dont les plans eux- mêmes fournissent le relevé et que la toponymie a jusqu'ici trop négligés — les recherches archéologiques, un grand nombre de sources et de méthodes diverses doivent tout à tour être mises à contribution. Aussi bien l'étude des plans n'est évidemment pas une fin en soi. Les traits matériels qu'on y voit inscrits ne valent que par ce qu'ils révèlent. Ils donnent l'anatomie. Ce qui nous importe, c’est la physiologie de l'animal vivant, je veux dire de la com- munauté rurale. Mais l'anatomie est la connaissance première dont le physio- logiste ne saurait se passer, et, réciproquement, elle ne devient intelligible qu'une fois ses dessous physiologiques serutés et décrits. De même le plan par- cellaire se place au début et à la fin de l'étude agraire : au début comme instru- ment d'investigation, un des plus pratiques et des plus sûrs qui soient ; à la fin, — une fois bien connue et bien comprise la petite société dont le terroir est la carapace, — comme l’image la plus immédiatement sensible de réalités sociales profondes.






1. Archives de Seine-et-Oise, série D, fonds de Saint-Cyr : interprété à l'aide du terrier, et des renseignements sur les personnes fournis par Maxime LEGnAnD, Etümpes pitie= resque. L'arrondissement, t. 1, 1902, p. 451. Monnerville, Selne-et-Oise, cant. Méréville. es recherches dans Les Archives de Selne-et-Oise nant porté quelque fruit que grâce à l'amicale obligeance de l'archiviste, M. Lesort, et au dévouement de ses employés.

2. Parmi les études de plans pareellaires anciens, celle que M. G. DES MAnEz, dans son livre sur Le problème de la colonisation franque et du régime agraire dans la Hasse-Belgique Utém, Acad. royale de Belgique, in-&, 2° série, IX, 1926) a donnée du plan de Grimber- gben (p. 138-150) doit être eltée comuie un mouèle de soin et d'intelligence,