Page:Annales de Bretagne, Tome XXIX, n°1, nov. 1913.djvu/255

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Ce nouveau collègue et son frère le général se ressemblent comme deux gouttes d’eau, à la différence de la taille. Le député peut avoir ma taille à quelque chose près. Le général, grand par ses actions, a à peine 5 pieds. Joseph a un air doux et modeste. Puisse-t-il être aussi grand législateur que son frère est grand général, et l’on dira, en vantant la sagesse de Lieurgue et de Solon etc., que Buonaparte n’existait pas alors.

Sous peu nous allons encore parler du domaine congéable : Les domines des Côtes-du-Nord font pleuvoir dus réclamations à ce sujet. Les seigneurs convenanciers intriguent dans tous les sens. Telle a été l’arme favorite des ambitieux de tous les tems ; elle l’est encore aujourd’hui. À peine sommes-nous en tout 4 députés de la ci-devant Bretagne intéressés au sort des malheureux domaniers. Je suppose 4 autres indifférents et le reste opposé à leur liberté. Moi et Bohan sommes les seuls députés du Finistère qui aient en vue le bonheur des domaniers. Boissier, Génouin et Blad ne connaissent pas cette partie. L’imbécille Le Moal[1] voterait volontiers pour le rapport de toutes les lois qui ont été rendues depuis 1789. Tu connais les autres députés pour être assez enclins au maintien de la domination seigneuriale, recette, renouvellement de baillées, faculté de congédier, de bâtir ou de réparer, l’enlèvement de quelques arbres que des colons ont eu bêtise de planter ou de laisser croître, ne sont pas un revenu si mince pour être négligé[2]. L’intérêt personnel soulèverait le monde entier. Ces messieurs s’entendent bien. C’est au peuple à ouvrir les yeux, lors des assemblées primaires et électorales. Confier à un loup des troupeaux, c’est folie. Nommer un seigneur son receveur ou son agent quelconque pour prononcer sur la réclamation du vassal, c’est encore folie. Le peuple reconnaît ses droits et ses intérêts ; c’est à lui a en user pour son bonheur.

Je reçus hier soir de Le Moal la lettre de l’agent municipal de Guiclan. J’abandonne cette affaire à l’ex-abbé !

Mes compliments à nos parents et amis et mille embrassades à nos enfants. »

Ton mari
Quéinnec.

P. S. : Tu trouveras ci-incluse la quittance du don patriotique que j’ai

  1. Boissier, Gesnouin, Blad et Le Moal, collègues de Quéinnec aux Cinq-Cents, nommés par le Finistère en l’an IV et en l’an V.

    Le Moal (Guillaume), député au Conseil des Cinq-Cents, né à Plouzévédé Finistère en 1769, mort à une date inconnue, homme de loi, fut élu député du Finistère au Conseil des Cinq-Cents, le 25 germinal an V par 33 voix (71 votants). Le Moniteur ne cite de lui qu’un rapport sur un référé du Tribunal de cassation, relatif à l’application de la loi d’amnistie. (Dict. des Parlementaires).

  2. La question des bois a certainement le plus contribué à rendre le domaine congéable odieux aux colons. Les droits du foncier et du convenancier étaient si rapprochés en cette matière, que de là devaient naître d’innombrables conflits. On trouvera un excellent exposé de la question dans Aulanier : Traité du domaine congéable. (Dubreuil, (Léon) : La Révolution dans le dépt des Côtes-du-Nord, p. 87).