Page:Annales de Bretagne, Tome XXIX, n°1, nov. 1913.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

hommes traduits aux tribunaux, ou déjà condamnés, et couchant sur la paille. Durant leur déménagement, on nous enferma dans un corridor infecté par les latrines. Là pressés les uns sur les autres, par une excessive chaleur, nous respirâmes pendant trois quarts d’heure l’air empoisonné qui en exhalait. Plusieurs suffoqués par le méphytisme, se trouvèrent mal ; on nous permit enfin de sortir. La cour brûlée par le soleil et em(barrassée) par les tables qui y sont toujours dressées, pouvait à peine nous contenir avec les autres détenus ; cette cour a soixante dix pieds de long, sur cinquante de largeur ; et le nombre des prisonniers montait à trois cent dix-neuf. On allait dîner, la distribution du pain et du vin était faite ; un de nous pressé par un guichetier de prendre place à table, observa qu’il ne pouvait dîner, n’ayant ni pain, ni vin ; ce guichetier répondit : « Vas te f. f. ». Les anciens prisonniers partagèrent fraternellement avec nous.

Une partie de nos lits et effets ne nous parvint que trois jours après notre arrivée. On nous donna pour motif de retard la fatigue des chevaux. Tout vérifié à l’entrée.

Les trois premières nuits, il fallut coucher tout le long du corridor, ou sur le palier de l’escalier au millieu de l’ordure. Nous demandâmes à loger à l’air sous la galérie de la cour, nous obligeant de payer les frais de garde, si l’on jugeait nécessaire d’en augmenter le nombre. On fut sourd à notre demande, et nous nous arrangeâmes comme nous pumes deux ou trois sur la même paillasse. Le local qu’occupaient les pailleurs était destiné pour nous ............... de quinze pieds de hauteur ; au rez de chaussée, ayant chacune deux fenêtres de six petits carreaux ............... bien solides ; dans chacune de ces chambres se trouvaient douze cruches accolées trois ensemble ............... un pied et demi de large, sur six de long, et une mauvaise paillasse chargée de vermine. Le ............... de mal-propreté.

Nous pumes obtenir du concierge de faire demonter ces cruches qui n’étaient autre chose qu’une institution à la Chaumet(te) inventée pour avilir l’espèce humaine. Le quatrième jour cette opération fut faite, les chambres nétoyées, et nous y plaçâmes nos lits, ce qui réduisit les chambres de douze à huit citoyens. Vu que ces chambres étaient trop reserrées pour nous loger tous ; quinze à vingt de mes collègues députés resterent dans les corridors jusqu’à notre translation de cette prison aux Bénédictins anglais[1].

Le régime de la maison était le meme que celui auquel nous étions assujetis à La Dette. On était exposé de manger avec des fievreux, des scorbutiques et des galeux[2] qu’on differa de transférer malgré les réclamations réitérées qui furent faites. Nous éprouvons les memes difficultés pour les communications. Nos collègues âgés ou valétidunaires ne purent pas même obtenir du sirop de vinaigre, malgré l’excessive chaleur dont nous étions accablés ; on ne pouvait pas non plus écrire que pour demander des linges. La ligne qui enfermait un mot étranger à ce besoin, étoit impitoya-

  1. Près le Val de Grâce. (Kerviler : Recherches…, etc., t. I, p. 316.
  2. M. Kernéis a lu « gâteux ».