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Il serait facile d’imaginer, grâce à ce que nous savons de la vie des Austen à Steventon, ce que fut l’enfance des six garçons et des deux filles qui grandirent au presbytère. Mais les souvenirs de plusieurs membres de la famille nous épargnent toute conjecture. Ils nous fournissent quelques détails intéressants sur la façon dont on entendait l’éducation des enfants, vers 1780, dans un milieu provincial et traditionaliste, simple de mœurs et aristocratique de tendances. L’influence des théories de Rousseau sur l’éducation ne s’était pas encore répandue et l’on pourrait citer seulement quelques exemples isolés d’enfants élevés alors en Angleterre à l’imitation d’« Émile » et de « Sophie ». Le père de Miss Edgeworth, épris de réformes politiques et sociales, fit de son fils un « Émile » d’outre-Manche, et, par surcroît, un parfait mauvais sujet. L’ami de Richard Edgeworth, Thomas Day, qui exprima ses idées sur l’éducation dans les dialogues didactiques et raisonneurs de « Sandford et Merton », entreprit aussi avec un médiocre succès, d’élever deux fillettes suivant les principes qui font de « Sophie » la compagne idéale d’Émile.[1] De telles expériences n’étaient point du goût de gens comme les Austen, gens pratiques avant tout et qui, s’ils connaissaient les théories nouvelles sur l’éducation, s’en souciaient fort peu et préféraient se fier aux coutumes en honneur depuis plusieurs générations. Comme le faisaient alors toutes les mères dans la classe moyenne et dans l’aristocratie, Mme Austen confia ses enfants à des nourrices. Jane Austen à sa naissance fut envoyée chez une paysanne de Steventon et fut ramenée au presbytère quand elle eut l’âge de partager les jeux de ses aînés. Une grande liberté était laissée aux ébats des enfants et le révérend Austen, voulant développer chez ses fils un esprit d’initiative et d’endurance, leur permettait jusqu’à l’amusement dangereux de suivre une chasse à courre. Mr. Austen-Leigh raconte qu’à sept ans, Francis,

  1. The French Revolution and English Literature, by E. Dowden. Chap. I. Pages 23-27.