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l’affection réelle, mais mesurée, qui unissait entre eux les autres enfants du pasteur. Mme Austen avait coutume de dire en riant que si quelque jour on s’avisait de vouloir couper la tête à Cassandre, Jane demanderait comme une grâce qu’on lui fit subir le même sort. Lorsque Cassandre fut envoyée en pension, Jane partit avec elle, bien qu’elle fut alors trop jeune pour pouvoir profiter d’aucune leçon. Mme Austen, pourtant si peu disposée à la faiblesse, n’osa pas infliger à la petite fille la douleur d’être séparée de sa sœur. Cassandre quitta donc Steventon pour la pension Latournelle à Reading, en compagnie de Jane. La pension Latournelle, où le séjour des deux filles du révérend Austen ne fut vraisemblablement pas de longue durée,[1] était dirigée par la veuve d’un Français, et devint quelques années plus tard le refuge de plusieurs émigrés qui y enseignaient leur langue et donnaient aux pensionnaires des leçons de danse ou d’élocution. Mrs. Sherwood, l’auteur de ce larmoyant classique de l’enfance « The Fairchild Family » dont la vogue dura presque jusqu’à la fin de l’ère victorienne, fut une des pensionnaires de la même école en 1790, c’est-à-dire quelques années après le départ de Jane Austen. Mrs. Sherwood nous a laissé une description intéressante de la pension, adossée « à une porte très ancienne dont la voûte supportait plusieurs petites pièces, et flanquée de chaque côté de vastes escaliers, aux balustrades jadis dorées ».[2] Cette ancienne porte était le seul vestige d’une abbaye de Bénédictins et la pension Latournelle tirait de ce voisinage le surnom de « Pension de l’Abbaye. » Si jeune que fut Jane Austen au moment de son séjour à Reading, on peut se demander si ce n’est pas à ces ruines et à l’impression qu’en avait reçue son

  1. M. William Austen Leigh indique 1784 ou 1785 comme date probable du retour de Cassandre et de Jane à Steventon. Voir : « Jane Austen, her life and her letters. »
  2. The history of the Fairchild Family, by Mrs. Sherwood. Chap. 24. part. II.