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haines sanglantes, aux mystères effroyables dont les romans fantastiques, à la mode dix ans auparavant, étaient toujours emplis, les lecteurs et lectrices de 1816 préféraient les poèmes ou les romans écossais de Walter Scott et les romantiques héros de Byron. L’engouement dont l’école de la terreur avait joui un moment était tombé ; les romans de Mrs. Radcliffe avaient cessé d’offrir l’attrait d’un frisson nouveau. Les quelques chefs-d’œuvre isolés du genre fantastique, plus ou moins directement inspirés par « les Mystères d’Udolpho » : le « Moine » de Matthew Gregory Lewis, « Saint Léon » de Godwin, venaient d’être dépassés, en cette même année 1816, par le terrifiant « Frankenstein » de Mary Shelley. Mais ce « Frankenstein », le plus ingénieux, le plus hardi, le plus tragique des récits où le surnaturel s’allie à un sombre réalisme, n’était qu’un jeu d’esprit, entrepris par gageure d’écrire l’histoire la plus terrifiante que personne eût jamais contée. Pour la génération nouvelle, — génération de poètes plutôt que de romanciers, — créer des personnages monstrueux, ou doués d’un pouvoir surhumain, combiner des aventures dramatiques semblait un jeu puéril et vain. C’était désormais dans la nature et dans les richesses infinies de la réalité, illuminées par la flamme de l’inspiration lyrique, qu’on allait chercher la source de la beauté, du mystère et de l’émerveillement.

Les années d’attente pendant lesquelles « L’abbaye de Northanger » perdit sa valeur en tant que satire d’un genre bientôt démodé furent imposées à l’auteur par une curieuse série de mésaventures. Commencé en 1798, l’ouvrage fut abandonné, puis repris, et subit chaque fois des additions et des retouches. Une de ces additions est clairement indiquée par la mention, au chapitre V, d’un roman de Miss Edgeworth « Belinda ». « Belinda » ne parut qu’en 1801 ; le passage où son titre est cité n’est donc pas antérieur à cette date.

En 1803, Jane Austen crut avoir trouvé une occasion favorable de publier son roman. Elle vendit le manuscrit