Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/233

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Un portrait qui la représente telle qu’elle était à cette époque nous permet de saisir sur son visage un reflet de cette impatience, de cette nuance de mécontentement que trahissent les lettres de 1798, de 1799 et de 1800. Ce portrait pour lequel l’artiste s’est inspiré d’une esquisse faite par Cassandre Austen, [1] est un dessin au crayon teinté à l’aquarelle. Vêtue d’une robe de mousseline dont la large échancrure est remplie d’une légère guimpe serrée autour du cou, la jeune fille, un sourire dans les yeux et l’ombre d’un sourire sur les lèvres étroitement jointes, semble retenir quelque spirituelle répartie ou quelque ironique remarque. Jolie, fraîche, avec des traits assez réguliers et un beau teint, elle intéresse et attire par ce mélange de simplicité piquante et de spirituelle vivacité dont elle avait doué Elizabeth Bennett, l’héroïne de son premier roman. Les yeux très grands, bien fendus, ont un regard droit. Leur expression pénétrante s’accorde avec le dessin net, un peu dur, de la bouche, et la pose de la tête bien attachée sur un cou rond, d’une ligne très pure. Il n’y a pas, dans ce visage, de véritable séduction mais assez de joliesse pour plaire avec assez d’expression pour charmer. Les courtes boucles brunes qui encadrent le front sont prises dans un de ces gentils bonnets de mousseline que Jane Austen cousait de ses mains adroites, et dont elle avait dit un jour à sa sœur : « Ces bonnets m’épargnent les tourments que coûtent une coiffure savante. Je cache dessous mes cheveux simplement nattés et comme mes petites boucles frisent assez bien naturellement, je suis dispensée de mettre des papillotes ». [2]

Ignorante comme elle l’était encore de la tristesse et de la douleur de vains regrets, Jane Austen, à cette

  1. Ce portrait fut fait à Bath, quelques années après la mort de Jane Austen. Aux indications fournies par la petite esquisse de Cassandre, plusieurs membres de la famille ajoutèrent celles qu’ils empruntèrent à leurs souvenirs. Grâce à leur concours, le peintre qu’ils avaient chargé d’une tâche si délicate réussit à leur donner une image fidèle des traits et de la physionomie de Jane Austen.
  2. Lettres, 1er décembre 1798.