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CHAPITRE VII


Dernières œuvres et dernières années.
« Emma ». « Persuasion ».


À mesure que se répandait le renom de ses livres, Jane Austen recevait, avec des louanges, des avis et des conseils. Amis et lecteurs se croyaient le droit d’enseigner à l’auteur d’« Orgueil et Parti pris » comment il convenait de s’y prendre pour bien écrire un roman. Lorsqu’on lui proposait comme modèle « Maîtrise de soi-même » par l’obscure Mary Brunton, « Rosanne », ou bien encore « Margiana », dont les titres ne sont pas complètement oubliés parce qu’elle les a énumérés dans sa correspondance, Jane Austen se contentait de sourire. Ses conseillers bénévoles pouvaient ainsi la croire toute disposée à faire son profit des judicieux avis dont ils l’avaient gratifiée. Mais elle écrivait à sa sœur : « Je vais me réhabiliter aux yeux de Mr. D. en écrivant une imitation aussi exacte que possible de « Maîtrise de soi-même ». Je veux même renchérir sur une œuvre si belle. Mon héroïne ne se contentera pas d’être entraînée par le courant d’une rivière d’Amérique et de voguer à la dérive ; elle traversera l’Atlantique, seule dans un canot, et ne s’arrêtera pas avant d’avoir atteint Gravesend ».[1] Elle utilisa cependant certaines idées qu’on lui avait suggérées, mais pour écrire quelques pages humoristiques, retrouvées plus tard parmi ses papiers et intitulées : « Plan d’un roman que j’écrirai en me servant d’idées fournies par diverses personnes ».

Ce fut pour s’affirmer à elle-même sa volonté de rester fidèle à la vérité en dépit du goût de l’époque pour le romanesque et la fade sentimentalité qu’elle annonça en commençant « Emma » : « Je vais choisir une héroïne qui ne

  1. Memoir. Page 131.