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avec une impardonnable arrogance, elle avait eu le dessein de régler le sort d’autrui. L’expérience lui montrait que, dans tous ses calculs, elle s’était lourdement trompée. Non seulement elle n’était arrivée à rien, mais — ce qui était pire encore — elle avait fait du mal aux autres et à elle-même ». [1]

Cette « Comédie des Erreurs » dont nous suivons le développement dans « Emma » était déjà esquissée rapidement dans « Orgueil et Parti pris ». Elizabeth n’attend pas de connaître Darcy pour le juger. Sûre d’elle-même et de ce que peut sa vive intelligence, elle se forme, dès la première rencontre, une opinion sur le caractère du jeune homme. Et, puisque renoncer à cette opinion serait avouer qu’elle s’est trompée, elle accuse en elle-même Darcy de toutes les fautes dont il n’est pas, mais dont il pourrait être coupable. Au moment où l’évidence l’oblige à se rendre compte qu’elle s’est trompée parce que sa vanité lui a interdit de revenir sur un jugement trop hâtif, ses regrets et les reproches qu’elle s’adresse prennent la forme d’une méditation dont le tour aussi bien que le sens annoncent déjà les réflexions d’Emma Woodhouse : « Elle avait honte d’elle-même et ne pouvait penser à Darcy ni à Wickham sans sentir combien elle avait été aveugle, partiale, gouvernée par ses préjugés et déraisonnable. Combien j’ai agi de façon méprisable ! s’écria-t-elle, moi qui mettais si haut mon intelligence et mes capacités, moi qui ai si souvent ressenti un certain mépris devant la naïve simplicité de ma sœur et qui, par vanité, me suis complue dans une méfiance inutile. Quelle humiliante découverte, et, pourtant, combien cette humiliation est méritée ! Si j’avais aimé, je n’aurais pas pu être plus aveuglée. Mais la vanité, et non l’amour, a causé ma folie. Flattée de la préférence de l’un et offensée par le dédain de l’autre, je suis, dès le début de nos relations, allée au-devant des préjugés et de l’ignorance et j’ai repoussé loin de moi raison

  1. Emma. Chap. XLVII.