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Austen ne doit à « Don Quichotte » que son thème satirique et le lui a peut-être emprunté indirectement. Les aventures de Catherine ressemblent bien peu à celles de l’inimitable Chevalier de la Manche; elles se rapprochent au contraire assez étroitement de celles de la jeune Arabella, l’héroïne de Mrs. Lenox. Le « Don Quichotte féminin » [1] avait eu une heure de célébrité dont le souvenir n’était pas encore oublié des contemporains de Jane Austen. Johnson, dans le « Gentleman’s Magazine » et Fielding dans le « Covent Garden Journal » avaient loué, en 1752, l’ouvrage que Mrs. Lenox venait de publier. Fielding avait même déclaré que le « Don Quichotte féminin » dépassait sur certains points le chef-d’œuvre dont l’auteur s’était ouvertement inspiré. Le sujet du roman de Mrs. Lenox lui semblait avoir plus de vraisemblance que celui de Cervantes, les aventures d’Arabella étant moins fantastiques que celles du bon chevalier de la Manche. « La lecture des romans avait-il déclaré, peut plus facilement fausser le jugement d’une jeune personne qu’elle ne peut ébranler la raison d’un vieil et honnête gentilhomme ». Cette Arabella qui avait charmé Fielding et Johnson au milieu du xviiie siècle, fut également admirée, quelque quarante ans plus tard, au presbytère de Steventon. Dans une lettre écrite en 1807 Jane Austen fait une allusion au « Don Quichotte féminin » qu’elle relit alors, et « trouve aussi agréable que ses souvenirs le lui représentaient ». Ces souvenirs datent vraisemblablement des années de Steventon et du moment où, avant d’écrire « L’abbaye de Northanger », Jane Austen avait lu le roman de Mrs. Lenox.

L’objet de la satire, dans le « Don Quichotte féminin » et dans « L’abbaye de Northanger » est à peu près semblable. Mrs. Lenox, tournant en ridicule la sentimentalité du roman de Mlle de Scudéri et Jane Austen, faisant ressortir ce qu’il y a de grossière invraissemblance dans l’œuvre

  1. Voir : « The female Quixote » (Eighteenth century vignettes by Austin Dobson) Nelson, ed.