Page:Annales de la propagation de la foi, Tome 19, 1847.djvu/277

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convenir. Nous résolûmes donc de continuer notre chemin. Mon Dieu ! quelle inexprimable misère ! Pendant trois jours entiers nous chevauchâmes dans des marais inconnus, nous abandonnant à la Providence et laissant aller nos montures d'après leur instinct. Quand nous rencontrâmes le lit du fleuve, la petite caravane monta sur une barque de passage, et nous arrivâmes, je puis dire miraculeusement, dans le pays d' Ortous.

« Les rives du fleuve jaune sont ordinairement couvertes de flaques d'eau et de marécages. Quand les ténèbres commencent à se répandre dans le désert, alors on entend s'élever petit à petit un tumulte harmonieux qui, allant toujours croissant, ne cesse que vers le milieu de la nuit. Ce sont les mille voix, les concerts bruyants des oiseaux aquatiques qui arrivent par troupes, folâtrent sur la surface des eaux et se disputent avec acharnement les touffes de joncs et les larges feuilles de nénuphar où ils veulent passer la nuit. La Tartane est peuplée de ces oiseaux nomades qui passent, sans cesse, par nombreux bataillons, en formant dans les airs par leur vol régulièrement capricieux mille desseins bizarres. Oh ! comme les oiseaux voyageurs sont bien à leur place dans les déserts de la Tartarie !

« Le pays d' Ortous est misérable et désolé. Partout des sables mouvants ou des montagnes stériles. Tous les jours, quand l'heure de dresser la tente était venue, nous étions forcés de prolonger encore notre marche, pour tâcher de découvrir un moins triste campement. L'eau était l'objet de notre continuelle sollicitude. Quand nous avions le bonheur de rencontrer des lagunes ou quelque citerne, nous ne manquions jamais de faire nos provisions dans deux seaux de bois que nous nous étions procurés à Koukou-hote. Ces eaux saumâtres et fétides sont dans l’Ortous d'une rareté extrême, et