Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 1.djvu/88

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Après avoir suivi pas à pas Tronchin dans ses rapports avec Rousseau, on peut apprécier à leur valeur les accusations que Jean-Jacques a formulées contre celui qu’il appela « son bon ami, son vénéré concitoyen, » avant de le compter au nombre de ses plus mortels ennemis.

Dès le commencement de leurs relations, le docteur avait voué à Rousseau une affection profonde. Il l’entoure de sa tendre sollicitude, s’efforce d’adoucir ses souffrances morales et physiques, puis, comme tant d’autres, il devient l’objet de cette méfiance qui amène fatalement Jean-Jacques à rompre avec tous ses amis. D’ailleurs, aristocrate et croyant, Tronchin devait perdre toute considération pour l’auteur de l’Émile et du Contrat. Il voit désormais dans Rousseau un séditieux, un sacrilège, un homme dangereux pour sa patrie, et applaudit hautement aux mesures prises contre lui. On peut s’étonner toutefois que Tronchin se soit rendu compte si tardivement de l’état mental de Jean-Jacques, qu’il n’ait pas, en particulier, discerné plus nettement les symptômes de la folie dans les alarmes perpétuelles qui empoisonnent l’existence du malheureux philosophe. Aussi, bien que gardant malgré tout un fond de compassion pour Jean-Jacques, Tronchin l’a parfois trop sévèrement jugé.

Mais l’auteur des Confessions est le jouet de ses hallucinations lorsqu’il voit le docteur « s’acharner à sa perte avec une rage qui s’accroît de jour en jour. »

Rousseau en a agi avec Tronchin comme envers ses autres amis, dont il s’exagère l’hostilité, et auxquels il prête des motifs de haine qui n’existent que dans son imagination.


Henry Tronchin.