l’intention de mettre à la portée de ses contemporains les faits relatés par les alchimistes de son temps, le grand philosophe s’est probablement arrêté avant d’avoir achevé sa tâche. Ce travail incomplet, que Jean-Jacques a gardé parmi ses papiers jusqu’à la fin de sa vie, aurait pu être terminé et paraître vers 1749, ou même auparavant, si l’on admet la date proposée par M. Dufour ; en ce cas les Institutions eussent devancé la traduction française des Elementa de Boerhaave[1] qui n’a paru qu’en 1754 et dont certaines pages ont plus d’un trait de ressemblance avec le manuscrit Nicole. Le livre de Rousseau eût peut-être été accueilli avec faveur par le public, alors que les alchimistes eussent sans doute jugé sévèrement l’œuvre de ce jeune inconnu assez audacieux pour les railler.
Quant à nous, s’il nous faut admirer la hardiesse avec laquelle Jean-Jacques s’est lancé dans un travail pour lequel il était insuffisamment préparé, et si nous sommes forcé de reconnaître qu’il a commis dans sa rédaction un grand nombre d’erreurs, nous ne devons pas perdre de vue que les Institutions ne sont qu’un projet et nous éviterons de porter sur elles, malgré leurs défauts, un jugement trop sévère. N’auraient-elles pas mérité d’être publiées pour la raison qu’elles nous révèlent un côté jusqu’ici presque inconnu de l’activité de Rousseau et qu’elles portent la trace ineffaçable de son génie ?
En présentant aujourd’hui au public le texte des Institutions chymiques, nous nous sommes efforcé de
- ↑ Elémens de chymie, par Herman Boerhaave (traduit du latin par Allamand), Paris 1754, 6 vol. in-12.