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annales de la société j. j. rousseau

que saura-t-il pour cela de la nature du vin, s’il n’a jamais vu de raisin ni de vigne, et quand il en aura vu que saura-t-il dire de plus que ses compatriotes, si ce n’est que le vin vient du raisin, qu’il (36) croit de telle et telle maniére, que telle chose est avantageuse à sa végétation et que telle autre lui est contraire. Mais combien sera-t-il encore éloigné de connoitre la nature du vin ? de savoir comment le suc acide des raisins devient un moût agréable et doux ? Pourquoi il fermente, comment il prend la qualité de vin, et pourquoi ce vin prend à son tour celle d’eau de vie, de tartre, de lie, et de vinaigre ? La figure de touttes les parties de la vigne est du ressort du Botaniste ; le Physicien tâche à force d’hypothéses d’expliquer quelques unes des loix de la végétation, c’est au Chymiste à dire tout le reste. Malheureusement ces recherches si nécessaires sont en même tems les plus difficiles, et cela, par trois raisons principales. La prémiére est le nombre infini de combinaisons qu’il faudroit suivre pour connoitre touttes les mixtions naturelles. Voiez cette prodigieuse quantité de differens corps qui couvrent la face de la Terre et qui remplissent ses entrailles ce ne sont que les divers mélanges de leurs principes matériels, prémiers ou secondaires qui constituent leurs différentes espèces. Pour se former une idée de cette varieté, il faut se répresenter celle des combinaisons numériques par laquelles on voit que huit corps seulement peuvent se combiner entre eux de plus de quarante mille manières[1]. La seconde raison est la difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité de prendre la nature sur le fait, comme dit un (37) Auteur célébre et de la voir procéder dans la production des mixtes : C’est ce qui nous oblige d’avoir prémiérement recours à l’art spagyrique qui nous apprend à résoudre les mixtes en leurs parties constitutives, pour, après, par une nouvelle combinaison de celles-cy imiter et copier les opérations de la nature

  1. Cum octo tantum corpora 40320. Becher, Phys. subt., p. 95.