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institutions chymiques

ne commande. Il est impossible de donner dans l’atheisme sans faire à tout moment de ces bizarres raisonnemens.

Il faudroit connoitre mieux que nous ne faisons la structure de l’univers pour déterminer quelles sont les prémiéres et les plus générales de ces loix ; peut être se reduisent-elles touttes à une seule ; plus d’un grand homme l’a soupçonné et Neuvton a presque expliqué tous les phenoménes de la nature par le seul principe de l’attraction. Nous voyons bien que l’agent universel est le mouvement, qu’il concourt à tout, que rien ne se fait sans lui, et qu’il est capable de donner à la matiére un très grand nombre de modifications, mais quand Descartes a prétendu tirer de ce seul principe la génération de tout l’univers, il a bâti un Sistême singulier par le ridicule, et il a, sans y penser fourni des armes aux matérialistes qui attribuant à la matiére un mouvement nécessaire en ont fait le Dieu qui a créé et qui conserve le monde.

Les corps celestes se meuvent ; nous ignorons dans quoi, et par quels principes ; le soleil nous envoye chaque jour ses rayons salutaires pour conserver sur la terre la vie et le mouvement, sans lui tout périroit dans la nature : Mais ni le soleil, ni tous les astres, ni tout le feu, ni tout le mouvement qui existent dans l’Univers ne sont pas capables de produire la moindre de touttes les plantes, ni le plus vil de tous les insectes ; cet abîme de la génération dans lequel les Philosophes se sont si longtems perdus est encore aujourdui le désespoir des incrédules, la construction d’un corps organisé par les seules loix du mouvement est une chimére qu’on est (58) contraint d’abandonner à ceux qui se payent de mots. Et s’il y eut jamais d’hypothèse qui dût passer pour une vérité constante, c’est sans doute celle des germes infinis au moyen desquels la nature, par de simples développemens et un accroissement progressif dont le mécanisme ne passe pas entiérement les bornes de nos lumiéres, peuple successivement la terre des êtres que son Auteur a tous créés avec elle.