Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 24.djvu/12

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forma de « diable » en « ange » et après une crise mystique où elle vit un appel auquel elle aurait répondu en prononçant des vœux perpétuels sans la sage prudence de l’Abbé de Prémord ? Et comment cette âme blanche de seize ans. sur laquelle n’était encore écrits que les deux mots flamboyants Tolle, lege, de sa vision augustinienne. reprenant contact non point avec la vie mondaine (à Nohant !), ni même avec la vie courante, mais avec une grand’mère adorée en qui revivaient à la fois l’esprit du dix-huitième siècle, sa grâce avec sa culture, son audacieuse indépendance avec les nobles enthousiasmes de l’aristocratie naguère éprise de l’Arcadie de Rousseau, comment cette âme avide de savoir la vie et de la connaître, libre maintenant de lire, d’écouter, de questionner et de penser, ne se suspendit-elle point passionnément aux lèvres de l’aïeule à la bouche d’or, dont les jours étaient comptés, et ne but-elle point à leur source les récits de l’exquise veuve de Dupin de Francueil, réchappée par miracle de la guillotine, récits où revenait sans cesse le nom de Rousseau, avec un portrait vivant de sa personne ? Et comment une autre vision, non moins éblouissante à son cœur que la première, ne l’eût-elle pas bouleversée sur ce nouveau chemin de Damas qu’était pour son ingénuité la révélation de Rousseau ? N’était-elle pas, par sa naissance et la tradition de son charmant aïeul, prédestinée à connaître Rousseau et à recevoir de lui Je coup de foudre ? Le premier roman de la future George Sand. c’est celui de son âme, à seize ans, lors de « l’invention » pour elle, par sa grand’mère, de Jean-Jacques Rousseau.

Que disait en effet, la grand’mère conteuse, rare survivante d’une société disparue ? Que racontait-elle,