Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 24.djvu/173

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pièce de théâtre, évidemment 'Hamlet, adapté de Shakespeare au théâtre français l’année précédente. Ducis devait remplacer Voltaire à l’Académie française il passa à la postérité surtout comme épistolier et laissa des lettres bien dignes de l’admiration de Jean-Jacques :

« …Qu’on joue, ou qu’on ne joue pas mon Hamlet », écrit-il à l’auteur d’Agamemnon, « tout cela m’est égal.... pourvu que mon vrai moi vive, il y a un autre moi que j’abandonne. L’air de ce globe n’est pas bon, ce soleil-ci n’est pas le véritable : je m’attends à mieux en attendant, je jette mon âme, je la lance dans l’avenir. Je tâche de m’élever si haut par le mépris, de tout ce qui n’est pas tout, que toutes les grandeurs de la terre ne soient plus pour moi qu’un point tout à l’heure imperceptible… »

Ducis appréciait Rousseau et ne pouvait comprendre chez Voltaire, âgé de 84 ans, cette soif insatiable de bruit, cette inquiétude fiévreuse.

La lettre inédite que nous reproduisons est intéressante à plus d’un titre : elle montre tout d’abord que, précisément à la date de l’existence de Rousseau qui attira l’attention des aliénistes[1], il vivait en bonne intelligence avec son bailleur, M. de Césarges, aimait la nature, révélait une sensibilité réelle et ne demandait qu’à vivre en paix avec les hommes et avec sa conscience. D’autre part, bien que nous ne possédions pas la lettre de Ducis à laquelle Rousseau répond, grâce à cette réponse nous connaissons mieux l’admiration du dramaturge pour Jean-Jacques. Toute sa vie et sous tous les régimes, Ducis continua d’apprécier le philosophe.

  1. Möbius. J. J. Rousseau’ Krankheitsgeschichte, Leipzig, 1889 ; Châtelain, La folie de J. J. Rousseau, Neuchâtel, 1890.