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THÉORIE
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à toujours ignorer, et ce qu’au surplus il nous importe assez peu de savoir.

Mais tandis que, d’un objet à un autre, quelques-unes de ces propriétés sont différentes, il en est d’autres, au contraire, qui sont constamment les mêmes dans plusieurs objets, très-différens d’ailleurs, sous d’autres rapports ; et c’est ce qui nous a conduit à détacher ces propriétés des objets dans lesquels elles résident, pour en faire le sujet particulier de nos pensées, et à leur imposer des noms ; et c’est ainsi, par exemple, que se sont introduits dans le langage les mots qui représentent les couleurs, les odeurs, les saveurs, etc. Ces mots ne désignent ni des individus, ni des collections d’individus ; mais seulement la manière commune dont nous affectent, sous un point de vue particulier, certaines classes d’individus.

Mais, parce que, dans l’origine, on avait représenté les choses par des mots ; on a été bientôt conduit à supposer que tous les mots devaient exprimer des choses, ayant une existence réelle et indépendante ; ainsi, par exemple, on s’est figuré qu’il existait une rondeur tout-à-fait indépendante des objets en qui on remarque cette qualité, et l’on a sérieusement demandé, par exemple, ce que devenait la rondeur d’une boule de cire lorsque cette boule était applatie. C’est cette réalité, attribuée faussement à de pures conceptions de notre esprit, qui a donné naissance à tant de vaines disputes et fait dire tant de sottises dans les écoles.

Au surplus, ce second genre d’abstraction n’est pas aussi différent du premier qu’on pourrait être d’abord tenté de le croire ; et il est évident, par exemple, qu’en créant le mot blanc ou blancheur, on n’a fait autre chose que réunir dans une même classe tous les objets dans lesquels cette couleur se manifeste.

On a donc créé des mots dont les uns désignaient de simples individus, les autres des collections d’individus, et d’autres enfin des propriétés ou manières d’être communes à plusieurs individus ; et ces mots sont ce