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Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/196

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ferait peut-être un mauvais marché ; car, sans même parler de la préparation des matières premières, il pourrait fort bien employer plus d’une demi-journée ; et la journée d’un ouvrier tant soit peu habile et intelligent vaut bien au moins quatre francs.

Faisons présentement sortir la petite famille de son isolement, comme nous en avions fait tout à l’heure sortir l’individu. Établissons autour d’elle d’autres familles, en plus ou moins grand nombre. On conçoit que dès lors le principe de la division du travail pourra recevoir une nouvelle extension. Nous avions, il n’y a qu’un instant, des individus chasseurs, pêcheurs, pasteurs, agriculteurs, etc. ; mais présentement ces différentes professions pourront être réparties entre les diverses familles qui, à leur tour, répartiront entre les individus dont elles seront composées les diverses sortes de travaux que l’exercice de chacune de ces professions pourra réclamer. Ainsi, par exemple, dans la famille des chasseurs, les uns fabriqueront des arcs et des flèches, et les autres des filets et des pièges ; ceux-ci dresseront des chiens ou des oiseaux de proie ; ceux-là dépouilleront le gibier et en prépareront les chairs de manière à pouvoir les conserver saines pendant un temps plus ou moins long ; et la répartition des occupations diverses se fera d’une manière analogue, dans les autres familles, pour l’avantage général de la petite république.

Mais un tel état de choses exige impérieusement qu’un autre principe vienne se combiner avec celui de la division du travail. Si, en effet, chaque famille prétendait demeurer seule propriétaire de la totalité des fruits de son industrie et de ses conquêtes sur la nature ; des travaux ainsi restreints à un seul objet les mettraient toutes dans une excessive abondance de certaines choses et dans le dénuement le plus absolu de toutes les autres ; elles auraient toutes du superflu et toutes, en même temps, se trouveraient privées des choses les plus nécessaires. Il faudra donc, si chacun veut jouir du fruit des travaux de tous, que tous aient recours aux échanges ; et c’est, en effet, l’expédient auquel elles