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Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1830-1831, Tome 21.djvu/213

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Je crois avoir déjà assez clairement établi que, s’il est bon que la fabrication des monnaies soit entre les mains des gouvernemens, le monopole de cette industrie n’est pas plus, au fond, la prérogative du Prince que celui de la fabrication du tabac ou de tout autre objet échangeable ; que même s’il est commode que les métaux destinés à circuler comme intermédiaires dans les échanges soient façonnés en écus, cela n’est pas néanmoins indispensable et n’a pas même toujours eu lieu ; que cette façon ne fait simplement qu’ajouter un peu à la valeur intrinsèque du métal, valeur qui résulte des diverses sortes d’autres services qu’on en peut retirer, et que l’autorité ne saurait faire varier à son gré ; d’où il résulte évidemment que les monnaies ne sont pas simplement un signe de valeur, mais bien une valeur très-réelle. Ce qui est véritablement signe de valeur, ce sont les obligations, lettres de change, billets de banques et autres papiers négociables qui ne circulent que sous la garantie de signatures dont la suppression consommerait leur anéantissement absolu, et qu’on n’accepte qu’à raison de la possibilité de les échanger contres les espèces métalliques qu’ils représentent ; tandis que ces espèces, tout comme la vaisselle, lorsqu’elles ont perdu la façon qu’on leur avait donnée, peuvent encore être échangées contre des écus.

On insiste néanmoins, et, dans la vue de prouver que le numéraire métallique n’est qu’un simple signe de valeur, on fait observer qu’un homme peut mourir de faim sur des monceaux d’or. Mais un homme peut également mourir de faim sur des tonneaux de vin, tout comme il peut mourir de soif sur des sacs de blé ; et faudra-t-il en conclure que le vin et le blé ne sont également que de simples signes de valeurs. La vérité est qu’il n’est rien au monde qui ne puisse être réputé signe de tout ce qu’on peut se procurer par son intermédiaire, et que les métaux n’ont rien en ceci qui les distingue des autres objets échangeables.

La plus ou moins grande masse des espèces circulantes ne saurait donc, pas plus que celle de toutes autres valeurs, décider à