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ANNALES DES SCIENCES PSYCHIQUES.

empereur et son auguste épouse l’impératrice Maria Feodorovna, les nouvelles de la maladie du tsar, qui devenaient de plus en plus alarmantes, me plongèrent dans une inquiétude si vive et si profonde, que je n’avais plus d’autres pensées, d’autres soucis que ceux qui se rapportaient à l’état de notre auguste malade.

Au commencement de la seconde moitié d’octobre (style russe) les nouvelles heureuses d’une amélioration dans l’état du feu empereur étaient arrivées à la capitale et tout le monde se mit à espérer et à se réjouir.

Le soir 17/29 octobre je me trouvais dans ma chambre et je me préparais à écrire une note préliminaire sur l’influence nuisible des doses répétées de phénacétine sur les reins des cobayes, des chiens et des lapins, quand tout à coup j’eus l’impression que quelqu’un se trouvait dans la chambre avec moi. En me retournant vivement j’aperçus la figure bien connue de l’empereur Alexandre III. Il était en habit militaire domestique dont je voyais clairement tous les détails de forme et de couleur ; mais comme j’étais assise, je me trouvais trop bas pour pouvoir bien voir le visage de l’apparition, c’est ce qui m’a forcée à renverser la tête en arrière pour mieux voir, et alors l’apparition a disparu lentement. Je n’ai ressenti aucune crainte, mais j’étais étonnée de la netteté avec laquelle m’est apparue cette hallucination et j’ai raconté tout de suite la vision que j’avais eue, à ma fille et aux autres membres de ma famille ; mais je ne trouvais rien d’extraordinaire dans cette hallucination-là, parce que, pendant des journées et des semaines entières, on ne parlait et on ne pensait qu’à la maladie de l’empereur.

Dès le lendemain, le 18/30 octobre, est arrivée la nouvelle que l’état de l’empereur Alexandre III s’est de nouveau aggravé et le 20 octobre toute la Russie a pris le deuil.

Le jeudi 3/15 novembre je suis allée avec ma fille à la cathédrale de Saint-Pierre et Saint-Paul pour y assister à la messe des morts et pour y prendre les derniers adieux du feu empereur. Le jour suivant, à dix heures du matin, c’est-à-dire le vendredi 4/16 novembre, je me trouvais au milieu de mon salon, éclairé par le soleil, et je parlais avec la maîtresse de musi-