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LE RÂMÂYAṆA.

Que je sois brahmane ! ब्राह्मणः स्याम् (brâhmaṇaḥ syâm)^^1, s’écria-t-il, et sans tarder, il se plongea dans les plus terribles exercices ascétiques et s’y tint pendant un millier d’années^^2. Alors on le vit briller, par la vertu de l’ascétisme, d’une splendeur égale à celle du feu, अग्निसमप्रभः (agnisamaprathaḥ). Malheureusement cela ne suffit pas ; Brahmâ lui-même apprit au pénitent que ses mortifications ne l’avaient encore rendu digne que du titre de rishi entre les rois, râjarshi. « Ce n’est pas là le fruit auquel tendait ma pénitence » : नास्ति शङ्के तपः फलं (nâsti shangkê tapaḥ phalaṃ), dit l’ascète, et sans hésiter le voilà qui reprit ses exercices. L’échec d’un autre kshatriya, le roi Triçanku, était cependant fait pour le décourager. Ce pénitent qui tendait au même but que Viçvâmitra n’avait recueilli pour prix de ses efforts que la malédiction des fils de Vaçishtha. Ils lui avaient lancé le terrible mantra : « Tu seras un Cândâla ! » चाण्डालस्त्वं भविष्यसि (câṇḍâlastvaṃ bhavishyasi) et l’effet s’en était immédiatement réalisé sur le malheureux roi. Alors dans sa détresse, il avait eu recours à Viçvâmitra, son collègue, et celui-ci avait fulminé contre les Vaçishthides un mantra de malédiction. Il l’avait fait d’autant plus volontiers qu’il avait à se plaindre d’eux personellement^^3. La malédiction avait tellement intimidé plusieurs anachorètes qu’ils avaient consenti à ce que le protégé de Viçvâmitra demandât l’assistance des dieux. Mais les dieux qui savaient ce qu’il leur en coûterait s’ils se mêlaient des affaires de Vaçishtha, avaient fait la sourde oreille. Dans ces conjonctures, Viçvâmitra, outré de colère, ततः क्रोधसमाविष्वो (tataḥ krodhasamâvishv?o), s’était décidé à montrer par un grand exemple le pouvoir ascétique déjà acquis et il avait fait monter son protégé au ciel, devant tous les anachorètes et malgré les dieux, en lui disant : Roi Triçaṅku, monte au ciel avec ton corps ! त्रिशङको स्वशरीरेण दिवं गच्छ नराधिप​ (trishangko svasharîrêṇa divaṃ gaccha narâdhipa)^^4. Mais la chose s’étant faite contre le gré de Vaçishtha qui avait dit : C’est impossible, açakyam etad, Triçanku n’avait pas pu se maintenir dans le svarga. Car le mantra d’un kshatriya,

1 Râm., I, 57, 22 sqq. ; 38, 4?[illisible] sqq.

2 Ne chicanons pas le poète sur ce grande mortalis spatium avi, car, outre que nous avons affaire à un roman merveilleux, les Indiens ont si peu la sensation de la réalité que l’espace et le temps ne sont guère pour eux que des rêves qui, contrairement à ce que dit la chanson, ne finissent jamais.

3 Râm., I, 61, 18 sqq.

4 Ib., I, 62, 14.