Aller au contenu

Page:Annales du Musée Guimet, tome 13.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
24
ANNALES DU MUSÉE GUIMET.

le merveilleux magique. Râma est si vertueux et il l’est avec tant de magnanimité et de grâce, que sa vue fait la joie et le plaisir de toutes les créatures et que, à cause de cela, il a reçu le nom de Râma, le charmant : घस्मादतो राम इति (ghasmâdato râma iti)^^1. On l’aime au point que la douleur de son exil fait négliger aux brahmanes la célébration du sacrifice et la récitation du Véda^^2, c’est-à-dire ce qui constitue toute la raison d’être du brahmanisme. Mais toutes les qualités qu’il a, il les possède par droit de naissance, et la perfection qui emporte la magie doit être acquise par les épreuves les plus redoutables, les plus terribles, les plus sauvages. Dans les idées indiennes où l’influence du çivaïsme prédomine c’est donc une certaine perfection, la perfection qui est le fruit de l’ascétisme, d’un ensemble de pratiques mécaniques appliquées sans pitié mais toujours exorbitantes, qui est seule en puissance de magie. Or, comme dans notre épopée un des représentants les plus fanatiques de l’ascétisme est Viçvamitra, voyons comment ce kshatriya devint le modèle et le parangon des ascètes et, par suite, le rishi des brahmanes, le maître du mantra.

Car il fut kshatrya d’abord. Mais un jour il lui fut démontré à son détriment, par le terrible effet d’un mantra du grand rishi Vaçishtha, que rien n’égale le pouvoir de disposer de cette formule. Pour l’obtenir, il eut donc recours au moyen usuel de se retirer dans la solitude d’une montagne, au fond d’un bois. Là, vivant dans la plus austère mortification, se macérant sans pitié, il obtint de Mahâdéva une première faveur, à savoir le disposition de toutes les armes divines et le secret de s’en servir. Ayant cru devoir user de ce don pour se venger de Vaçishtha, il avait détruit l’ermitage du grand brahmane et dispersé ses disciples. Mal lui en prit. Quand l’incomparable saint le sut, il parut enflammé de colère et touchant de son bâton les armes divines de son adversaire, il les détruisit l’une après l’autre, sans même excepter les flèches de Brahmâ.

Cette expérience, faite pour convaincre Viçvâmistra de la grande distance qui sépare, dans tous les cas, le pouvoir du kshatriya de la puissance du brahmane ; cette expérience inspira à l’aspirant brahmanique la pensée d’acquérir à tout prix la force invincible de la splendeur sacerdotale, ब्रह्मतेजोबलं (bhrahmatêjobalaṃ).

1 Râm., l., 1, 11-22.

2 V. Ib. ib. 45, 2 sqq.