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ANNALES DU MUSÉE GUIMET
le plus sérieux des Gâthas, et celui où la grammaire historique 1[1] aura le plus de services à rendre. Viennent enfin les obscurités de style proprement dit, et qui tiennent à l’emploi des procédés favoris de toute littérature sibyllique et oraculaire : l’ellipse 2[2], les changements de construction 3[3], les sous-entendus, les expressions conventionnelles. Ajoutez à cela le vague et l’incertitude résultant du double sens des abstractions qui incarnent les vertus zoroastriennes, Vohu Manô, Khshathra, etc., et qui tantôt désignent la vertu même, tantôt la divinité qui l’incarne, tantôt laissent voir l’une et l’autre flottant à la fois dans l’esprit du poète. Pour résoudre les difficultés de ce troisième ordre, il n’y a aucune règle ni aucun secours matériel, et leur réduction n’est pas œuvre de grammaire, mais de psychologie.
  1. 1. Plutôt que la grammaire comparée, car les formes obscures sont des formes propres à l’Iran, bien que peut-être des recherches comparatives soient destinées à les rattacher à des formes connues d’autres langues. Voici quelques-unes de ces formes gàthiques, qui, je crois, n’ont pas encore été reconnues ; gérondif en sh (j’emploie ce terme, faute d’un terme meilleur) ; âî-sh, en venant, avec son négatif an-âish, en ne venant pas (XXXII, 15 a ; XXVIII. 9 a) ; vàunush, en obtenant, l’obtenir (28, 8 b) ; vidush, en sachant (28, 4 b). — Asha et Khshathra, quand ils sont personnifiés, ont leur nominatif en â. — Décomposition orthographique de ὸi en au-i : civishi = * cὸishi, LI, 15 a ; civîshtà = cὸishtà, XXXIV, 13 c ; ivizayathà = *ὸizayathà, LIII, 7 d. — Construction impersonnelle de jim et dad avec l’instrumental (XLIII, 7 c ; XLIV, 1 e ; — XLVI, 3 d).
  2. 2. Voici quelques exemples, on en trouvera en nombre dans le commentaire : mahyào cistὸish thwà ishtish mazdà usen « de sagesse mienne, fortune tienne, ô Mazda, en joie » (XLIV, 10 e), c’est-à-dire : « en retour de ma sagesse, tu me donnes la fortune dont tu disposes et la joie » ; même idée exprimée avec une autre ellipse, XLVI, 2 e : àlihsὸ vanhéush ashà ìshtim mauaṅhὸ « enseignement de Vohu Manὸ, fortune par Asha » (ou peut-être : « fortune, ô Asha ») ; — yahmài zavéng-jimà keredushà, « à qui action venant à l’appel » (XXIX, 3 c), c’est-à-dire : « qui, convié aux bonnes œuvres, répond aussitôt ». — yèzi àish noìt urvànè advào aihidareshtà vahyâo « si à voir pas à croire, foi meilleure montrée » (XXXI, 2 a), c’est-à-dire, « si la foi ne s’impose pas au premier regard, elle sera établie par des preuves matérielles », etc.
  3. 3. frìnemnà ahuràl à mé urvâ géushcà azyâo (29, 5 a-b), « précantes ad Ahuram mea anima vaccae azî ; nous, priant à Ahura, mon àme [sera] de la vache azi » ; c’est-à-dire : « nous prierons à Ahura et, en récompense, j’obtiendrai les biens représentés par la vache azî » ; — aṭeà géush urvà raostà yé anaèshem khshâménè ràdem vâcim neres asùrahyà yém à vasemi ishà Khshathrem (XXIX, 9 ab) : « Alors l’Âme du Bœuf pleura l’impuissant à faire joie et [à faire] largesse, la voix de l’homme faible que je souhaite souverain à son désir ; c’est-à-dire qu’elle gémit sur l’impuissance [de Zoroastre] à lui donner la joie et à faire largesse ; [elle gémit] sur la faiblesse de sa voix, « lui que je voudrais [dit-elle] maître de l’absolu pouvoir ».