Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/108

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on verse l’eau et on étend le grain sur une natte ou sur une toile pour le faire refroidir. Lorsqu’il est froid, on y mélange un ferment, appelé bakka, dans la proportion du volume d’une noix pour un kilogramme de grain, puis on le met dans des paniers garnis de feuilles, on le presse pour en exprimer l’eau qui peut être restée, et les paniers, bien couverts de feuilles et de toile, de manière à empêcher l’air d’y pénétrer, sont placés pendant trois jours dans une pièce un peu chaude. Au bout de ce temps, la préparation, additionnée d’un quart de litre d’eau froide par quatre litres de grains, est versée dans des jarres en terre hermétiquement fermées et lutées avec de l’argile. Il faut dix jours, au moins, pour que le moult ainsi préparé puisse être employé. Quand on veut boire le tchong, on met dans un vase une certaine quantité de ce grain fermenté, et on y verse de l’eau bouillante. Un moment après, on enfonce dans le vase un petit panier d’osier tressé très serré à travers lequel filtre la liqueur et d’où on la puise avec une poche en bois. Cette boisson est saine et agréable, mais ne peut se conserver plus de quelques heures. En distillant le tchong, on obtient une liqueur très alcoolique que l’on appelle arra[1] ou arrak.

Supportant facilement la faim et la soif, le Tibétain est très tempérant d’ordinaire ; mais on peut dire que c’est par force, à cause de sa pauvreté et du peu de ressources de son pays. Chaque fois que l’occasion s’en présente, et il tâche que ce soit souvent, il se dédommage sans retenue de ses abstinences obligées et se livre à de véritables débauches de nourriture et de boisson. L’ivresse n’est pas considérée comme honteuse chez lui, et les moines eux-mêmes ne se font aucun scrupule de fêter plus que de raison le tchong et l’arra au mépris des règles sévères de la discipline bouddhique. Toutes les fêtes religieuses ou civiles

  1. S. Turner, Ambassade au Tibet et au Boutan, t. I, p. 48.