Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/126

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sans doute appartenir à la classe des lamas[1] ou à celle des marchands, c’est-à-dire à la classe moyenne et relativement instruite de la population, l’élément populaire n’étant représenté, selon toute vraisemblance, que par quelques très rares pèlerins[2] ; peut-être, aussi, a-t-il oublié que le livre, manuscrit ou imprimé, est considéré par les peuples de race mongole comme un talisman infaillible en toutes circonstances et conservé pieusement ou porté à ce titre, de même que les charmes et les amulettes, par ceux-là mêmes qui sont incapables d’en déchiffrer un mot, la lettre possédant en elle-même et isolée un caractère sacré et une puissance mystique.

Tout en faisant nos réserves sur ce qu’elle peut avoir de trop sévère et absolu, nous croyons devoir nous ranger à l’opinion des missionnaires, à cause de l’unanimité avec laquelle elle se présente, parce qu’elle correspond avec les renseignements fournis par les Chinois et qu’à défaut d’autres preuves elle est plus conforme aux données du bon sens[3]. En effet, pour être tant soit peu répandue, l’instruction suppose l’existence de l’école, et rien n’a été signalé au Tibet de semblable aux écoles primaires de la Chine, du Japon ou même de la Corée. L’enseignement se donne exclusivement dans les monastères. Outre la lecture

  1. Nous employons le terme lama parce qu’il est consacré par l’usage, en Europe et en Chine, pour désigner les membres du clergé tibétain, bien qu’il soit inexact. Lama est un titre de dignité qui ne devrait se donner qu’aux religieux ayant acquis certains grades en théologie et aux supérieurs des couvents. Le véritable nom du religieux bouddhiste tibétain est Gélong (dgé-slong) ou Gétsoul (dgé-ts’ul).
  2. Les gens du peuple, principalement pasteurs, ne sortent guère de leur pays natal, ou, s’ils le font, c’est pour conduire leurs troupeaux dans quelques pâturages plus fertiles de la Tartarie et de la Mongolie.
  3. C’est aussi l’opinion de M. Léon Feer :« Malgré l’imprimerie, malgré une classe savante très nombreuse, l’ignorance est grande au Tibet. Ceux qui devraient être les maîtres, sont loin d’avoir les connaissances requises, très peu même savent l’orthographe, il est vrai qu’elle est loin d’être simple au Tibet. » (Le Tibet, p. 47.)