Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/219

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5o Enfin se présente un dernier groupe qui, sous le simple nom de Sangs-rgyas « Bouddhas », renferme mille Bouddhas imaginaires censés vivre ou avoir vécu dans les « trois mille grands milliers de mondes » qui constituent l’univers. Parmi eux figurent les plus vénérés des Pratyéka Bouddhas la plupart du temps cités anonymement dans les écritures bouddhiques.

3. Yi-dam, « Protecteurs, Dieux tutélaires ». — Nous nous trouvons ici en présence de la plus fantastique imagination de la théologie bouddhique, issue de l’introduction dans cette religion du tantrisme hindou.

On sait que pour les Indiens la perfection absolue, qualité inhérente à l’idée de Dieu, comporte l’absence de toute passion, de tout désir, de tout mouvement, en un mot l’inaction absolue. Les actes attribués aux dieux de tous ordres constituent évidemment une contradiction flagrante avec ce principe. Un dieu agissant comme créateur ou préservateur n’est plus un dieu puisque ces actes supposent la passion, c’est-à-dire le désir d’agir, et le mouvement pour accomplir l’objet de ce désir. Pour mettre d’accord cette conception de la perfection divine et les actes prêtés aux dieux par la légende mythologique, le brâhmanisme mystique a inventé un dédoublement du dieu, considéré primitivement comme androgyne, en une personnalité purement méditative et inerte, qui est le dieu proprement dit, et une personnalité agissante qui est son énergie active. À la première ils ont donné la forme masculine, à la seconde la forme féminine. Cette dernière est la déesse, ou Çaktî, compagne de tous les dieux. Sous l’influence du brâhmanisme mystique et du tantrisme, ces conceptions se sont introduites dans le Bouddhisme vers le Ve siècle de notre ère et ont été appliquées non seulement aux dieux, serviteurs actifs des Bouddhas, mais encore aux Bouddhas eux-mêmes et on en est venu à les considérer sinon comme des créateurs, du moins comme