Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/221

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le calme éternel dont ils ne se départissent jamais ; seuls les Bodhisattvas les plus actifs sont figurés debout : le Bodhisattva Yi-dam Tchakdor[1], manifestation tantrique de Vadjrapâni peut être considéré comme le type le plus
Tchakdor.
caractéristique de cette série. On le représente, en effet, avec un visage effroyablement grimaçant, des yeux fulgurants de colère, une large bouche armée de longues dents, une chevelure de flammes, tenant un crâne humain dans sa main gauche, tandis que la droite brandit un dordje (foudre), et foulant sous ses pieds les cadavres de ses ennemis vaincus. À sa seule vue, on comprend que Tchakdor est le plus impitoyable adversaire et destructeur des démons. Bien que Vajrapâni soit une forme d’Indra ou de Vichnou, la légende qui explique la raison de la haine particulière qu’il porte aux démons est en partie empruntée au mythe de Çiva. Lorsque, dit-elle, les dieux eurent bu l’amrita (ambroisie) produite par le barattement de l’Océan, ils confièrent à la garde de Vadjrapâni le vase contenant le reste de la précieuse liqueur d’immortalité ; mais profitant d’un moment d’inadvertance du gardien, le démon Rahou[2] but tout ce qui restait dans le vase et le remplaça par un liquide innommable dont les exhalaisons eussent certainement empoisonné le monde. Pour éviter ce danger et punir Vadjrapâni de sa négligence, les dieux le condamnèrent à boire l’épouvantable liquide, et, par l’effet du poison, de doré

  1. P’yag-rdor.
  2. Démon de l’éclipse.