Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/88

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n’enterre les corps, sauf lorsque règne une épidémie de petite vérole.

Il est cependant encore un autre mode de funérailles en usage au Thibet, qui se rapproche sensiblement de ce qui se passe chez nous ; mais il n’est employé que pour les grands lamas, tenus pour être les incarnations de quelque divinité. Pour eux, en effet, le danger du Bardo n’est pas à craindre en raison de la nature divine de l’âme qui les anime. Leurs corps, après avoir subi une sorte d’embaumement superficiel, sont conservés en des châsses magnifiques exposées à la vénération des fidèles dans de splendides mausolées, moitié tombeaux et moitié temples. Lhasa, la ville sainte, est remplie de ces mausolées ; mais le plus beau, paraît-il, est celui du Téchou-Lama Erténi, monument grandiose et superbe élevé, au milieu même du palais pontifical de Tachilhounpo, aux frais du gouvernement tibétain, aidé des dons arrachés à la dévotion populaire et des subsides considérables du gouvernement chinois, qui, dit-on, avait tout intérêt à détourner par ses largesses les soupçons qu’avait fait naître la mort subite de ce grand dignitaire à l’esprit large et patriote, partisan résolu de l’ouverture du Tibet aux Européens. Turner est, jusqu’à présent, le seul Européen qui ait eu la bonne fortune de pouvoir visiter ce merveilleux mausolée, et il en a donné une longue description[1], dont nous croyons devoir reproduire ici les parties principales, ne serait-ce que pour donner une idée de ce qu’est un monument de ce genre.

« En sortant de mon appartement, dit-il, nous suivîmes le corridor, au bout duquel nous descendîmes deux étages. Après avoir traversé divers passages, sans sortir dans la rue, nous trouvâmes une petite porte qui nous conduisit dans la cour où était le grand mausolée. Cette cour est pavée et il règne sur trois de ses côtés, un péristyle destiné

  1. S. Turner, Ambassade au Thibet, t. II, pp. 7 et suiv.