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Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 22-23.djvu/1005

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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

sa véritable destination. Il les a parce que le yoga les comporte ; elles sont même la preuve qu’il approche du but. Mais qu’il en fasse usage, et c’est son salut qui sera compromis. Aussi se gardera-t-il de déployer sa puissance, autrement que pendant le sommeil hypnotique.

Il serait injuste de voir dans cette réserve prudente, un subterfuge de la part des yogins, thaumaturges en théorie, mais non pas en réalité. Pour ne jamais donner la preuve de leur savoir-faire, ils allèguent un motif que tout Hindou reconnaîtra pour valable : le yoga, comme toutes les œuvres ascétiques, les charge lentement d’une force mystérieuse ; si, par un miracle, ils font parade de cette force, elle perd sa tension, et l’œuvre du salut est à recommencer.

Aussi les auteurs affectent-ils de ne parler qu’avec dédain de ces « perfections », comme on dit. On n’en conteste pas la réalité, aussi prouvée que la vertu magique des herbes[1], mais on met en garde les adeptes contre la tentation d’en faire usage. « Tous ceux qui aspirent à la connaissance de l’âme doivent pratiquer le saṁyama et négliger tout ce qui procure un pouvoir occulte… Les « perfections » ne réalisent le but de l’âme que pour un homme qui, par la jouissance d’objets extérieurs, a perdu pied dans sa méditation, et dont la pensée instable est tournée vers le dehors. Ce sont en effet, dit le sūtra[2], des obstacles pour la méditation, et des perfections seulement pour les moments de suspension du yoga (vyutthāna). Ceux donc qui visent à la connaissance de l’ātman ne doivent pas les désirer, et, si elles viennent au yogin sans qu’il les ait cherchées, il n’en doit tenir aucun compte[3]. » On le voit, quelque place que tien-

  1. Voir Y. S. IV, 1, et comparer avec S. S. V, 123. Les pouvoirs occultes sont même si certains qu’on s’appuie sur eux pour démontrer la rivalité des êtres en leur état subtil : « La réalité de ce qui est passé et de ce qui est futur est démontrée par le fait que le yogin en a la perception sensible ; car toute perception des sens est causée par un objet réel » (Vijñ. p. 56). Nos théosophes raisonnent de même quand ils allèguent les communications qu’ils ont avec les êtres désincarnés pour prouver la survivance de l’âme.
  2. Il s’agit du sūtra III, 37.
  3. Y. S. S., p. 53, sq. On demandera pourquoi, s’il en est ainsi, les traités