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Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 22-23.djvu/985

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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

rendre responsables les vieux maîtres qui ont vu, dans le quatrième anga, non pas le moyen direct de l’affranchissement, mais la condition et puis le signe d’un progrès dans la voie du salut.

E. Cinquième anga : la rétraction des sens (pratyāhāra).

Dans le cours naturel des choses, les sens sont en contact avec les objets extérieurs, et, s’ils peuvent en communiquer la perception à l’intellect, c’est qu’ils prennent la forme de ces objets. Par leur intermédiaire, le manas, puis la buddhi reçoivent l’empreinte du monde sensible. Tant que les sens peuvent ainsi se conformer à leur tendance propre, qui est d’aller trouver les choses du dehors, ils mettent l’organe pensant dans leur dépendance, puisque, bon gré mal gré, ils lui infligent ces sentiments de désir, de colère ou de stupide indifférence qu’excitent inévitablement les objets du monde extérieur : « Si l’intellect est entraîné par les sens dans leur course errante, la raison (buddhi) s’en va à la dérive, comme un vaisseau emporté par la tempête » (Mbhr. III, 13 945, = Bhag. G. 2, 67).

Mais vivre selon la nature, c’est s’engager de plus en plus dans le « circuit de l’existence ». Si l’on veut faire son salut ; et même si l’on veut faire quelque grande chose[1], il faut libérer son moi, et par conséquent réprimer ses sens. Que l’on renverse donc leur direction naturelle, de manière que, tournés maintenant vers l’intérieur, ils prennent la nature du sens interne dont ils sont émanés[2] ; ils seront ainsi « accommodés » à l’esprit[3].

Ramener en arrière les sens loin de leur objet, c’est faire l’opération appelée pratyāhāra, et les maintenir dès lors

  1. « Quiconque aspire à faire de grandes choses, qu’il s’agisse d’un acte utile ou d’un acte vertueux, qu’il maîtrise ses sens ; par leur répression, la raison (buddhi) croît comme le feu au moyen du bois à brûler » (Mbhr. V, 4335).
  2. Y. S. II, 54.
  3. citta-anukārin (Sarvadarê., p. 177).