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Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 22-23.djvu/995

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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

turelle, l’air, sous forme de prāṇa, descend par la pingalā, et, sous forme d’apāna, est expulsé par l’iḍā ; c’est cette circulation qui entretient l’existence empirique. Le prāṇayāma ne modifie ce processus qu’autant qu’on s’applique à retenir longtemps le souffle inhalé : « Assis sur un siège approprié et prenant une posture commode, que le yogin aspire lentement l’air extérieur par la nāḍī droite ; qu’il pratique le kumbhaka jusqu’à ce que le souffle soit fixé de la racine des cheveux jusqu’à la pointe des pieds ; qu’il l’exhale ensuite lentement par la nāḍī gauche » (H. Y. Pr. II, 18, sq.). Mais si le yogin aspire à la vie absolue, ou tout au moins aux jouissances qui sont une anticipation du salut, il ne lui suffit pas de savoir régler sa respiration. Il lui faut, pour arriver à son but, faire un plus grand effort : réunissant prāṇa et apāna, il doit les faire passer par la suṣuṁnā, afin que les souffles, amenés par cette voie au brahmarandhra, y soient absorbés et que soit supprimée en même temps toute existence individuelle.

Or il y a, à l’entrée de la suṣuṁnā, et fermant la communication avec les deux autres artères, un être mystérieux, manifestation ou plutôt énergie de Śiva, qui dort là enroulé comme un serpent ; c’est la Kuṇḍalī[1]. Il faut que, par une posture appropriée ou d’autres moyens mécaniques, on réussisse à éveiller cette divinité, pour que se déroulant elle s’allonge dans la suṣuṁnā et laisse ainsi au souffle le passage ouvert. Cependant tout n’est pas dit encore. L’air rencontre sur sa route, en remontant du nombril au sommet de la tête, des enchevêtrements, les granthi, au nombre de trois[2], que le yogin doit dénouer au prix d’efforts spirituels intenses, si nous ajoutons que le corps est décomposé en cercles mystiques, les cakra[3], qui sont autant de centres de forces vita-

  1. Ou Kuṇḍalinī.
  2. Ils portent les noms des trois dieux de la triade hindoue : nœud de Brahman ; nœud de Viṣṇu ; nœud de Rudra (= Śiva).
  3. On les appelle aussi padma ou kamala parce qu’on se les figure comme une « fleur de lotus ».