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VOYAGE AU YÛN-NÂN

m’aider, le peuple ne demande pas mieux, mais ce sont eux qui le leur défendent sous les peines les plus sévères. Voyant que je continue ma route sans les écouter, ils regagnent la terre à bord de leurs sampans pour rejoindre les soldats qui leur servent d’escorte. Nous apercevons bientôt ceux-ci qui suivent la rive dans la même direction que nous et qui font évacuer tous les villages dans la crainte que nous ne trouvions quelqu’un pour tirer à la cordelle. J’ai bien un moment la tentation d’aller leur donner la chasse ; mais nous avons notre route à faire.

22 janvier. — Nous traversons de grands bancs pour venir mouiller à l’embouchure de la rivière Noire. Les riverains nomment ici cette rivière Tsong-pô, du nom d’un grand village qui est la point terminus de la navigation pour les barques du fleuve Rouge. Nous avons fait bien peu de route jusqu’ici, le vent nous a complètement fait défaut et d’un autre côté il est impossible de tirer à la cordelle au milieu des grands bancs.

Nos soldats d’hier nous suivent toujours en observant nos mouvements ; les mandarins ne doivent pas être éloignés.

23 janvier. — Nous restons toute la journée mouillés contre le grand banc qui se trouve à l’embouchure de la rivière. La chaloupe, qui a un tirant d’eau de 1m,50, s’est échouée ce matin sur un banc de sable mouvant qui s’est formé cette nuit ; hier soir, à ce même endroit, il y avait 5 mètres d’eau, en ce mo ment, elle glisse avec le banc par 3 pieds d’eau.

Au confluent de la rivière Noire et du fleuve, le passage est très difficile, le chenal se trouve déplacé en moins d’une journée par des bancs de sables mouvants qui descendent lentement entraînés par le courant. Lorsque après les hautes eaux, les eaux se retirent, elles découvrent dans cet endroit des bancs énormes et très élevés qui tiennent toute la largeur du fleuve, et dans lesquels elles se creusent des passages qui deviennent chaque jour plus profonds. Du côté où porte le courant, le banc forme une berge de 5 à 6 mètres de haut que l’eau mine par sa base ; aussi est-il dangereux de passer trop près. Cette nuit nous avons été obligés de changer de mouillage pour éviter les éboulements. Ce matin, il nous est encore arrivé deux mandarins de Sou-tay pour nous prier d’attendre un peu, les autorités étant décidées à nous faire escorter et à nous fournir des matelots. Le vice-roi aurait reçu deux dépêches, l’une du vice-roi d’Hâ-noï, l’autre du général Tchèn, qui le prient de s’occuper de