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LE MYTHE DE VÉNUS

Il n’est point besoin d’autre preuve pour reconnaître le germe de corruption que contenait ce culte de la déesse de la beauté, quels que fussent les efforts de l’art, de la poésie et de la philosophie pour l’idéaliser. La noblesse innée du génie grec et sa pureté relative, de même que le sérieux du caractère romain, ont pu modifier dans une certaine mesure le type chananéen de l’épouse de Baal ; mais tous les hommes, à quelque race qu’ils appartiennent, sont chananéens par quelque endroit, et de l’Aphrodite-Uranie à la Venus volgivaga dont parle Lucrèce, la pente est glissante, surtout lorsque les œuvres des sculpteurs et des peintres, les récits des mythographes et des poètes étalaient devant tous les yeux et présentaient à tous les esprits, d’un côté les charmes les plus séduisants, de l’autre les histoires les moins édifiantes. L’art en pareil cas devient le complice de la faiblesse humaine. À trop considérer la beauté, ne fût-elle que de marbre, l’esprit risque de s’égarer, comme il advint, dit-on, devant la statue de Praxitèle, au jeune Cnidien dont Lucien, Valère Maxime et Athénée nous racontent l’histoire. Pompéi était particulièrement consacrée à Vénus, Venus fisica comme l’écrivent les inscriptions. Trop physique, hélas ! car parmi les très nombreuses images de la déesse qu’on y a déjà retrouvées, plusieurs doivent être déléguées au musée secret ; et à mesure que les ouvriers de M. Fiorelli mettent au jour de nouvelles parties de cette ville infortunée, on constate de plus en plus qu’elle a été un vaste lieu de plaisir ou même de débauche, ce qui involontairement fait penser à Sodome. Aussi serait-il regrettable de voir les arts et la littérature trop s’attarder sur ce vieux type mythologique. Il est des sujets plus dignes du ciseau de nos statuaires, du pinceau de nos peintres et du génie de nos poètes.