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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

les parures qu’elle tient de l’admiration de l’épouse d’Atri, elle s’éloigne avec Râma et Lakshmaṇa pour continuer le voyage vers la grande et incomparable forêt dont le nom est Daṇḍaka[1]. Ce bois était habité par des pénitents vivant en société, suivant la coutume de l’ascétisme primitif. La sainte colonie accueille Râma avec des bénédictions et installe l’hôte qui lui arrive par son propre mouvement, dans une cabane faite de feuillage. Leur déférence pour le nouveau-venu est si grande, qu’ils vont jusqu’â lui offrir le gouvernement de leur mandala. Mais le héros n’accède pas à leur vœu, et se remettant en route, il pénètre dans un bois redoutable, peuplé d’ours et de tigres, hanté même par des lions et par divers autres êtres, parmi lesquels un râkshasa d’un aspect effrayant et haut comme une montagne : ददर्श् गिरिकूडटाभं राक्ष्सं योरदर्शनं[2].

Nous y voilà donc au point où nous pouvons chanter avec Faust :

In die Traumund Zaubersphäre
Sind wir, scheint es, eingegangen,


et désormais nous n’en sortirons plus. Ce grand diable se nommait Virâdha et à l’instant même où il aperçut nos voyageurs, il se précipita sur eux comme la mort, antakaḥ, sur les vivants. Mais Râma l’arrête d’un mot : il se nomme. Alors le monstre, joyeux de cette rencontre, lui révèle qui il est réellement. « Kâla, la mort, dit-il, est mon père et Çatahradâ, l’enfer, ma mère. Mes mortifications m’ont mérité de Brahmâ la faveur de ne pouvoir être tué par aucune arme. Je vous laisse à tous la vie, à condition que vous m’abandonniez, उत्सृज्य, femme ; elle sera mon épouse ; mais si vous résistez, je boirai votre sang, » पास्यामि रुधिरं[3]. Et ce disant le monstre saisit Sîtâ et l’emporte. Aussitôt Râma lui décoche une de ses flèches enchantées avec lesquelles nous avons déjâ fait connaissance. La flèche perce le sein du démon et le jette mourant sur le sol. À l’instant du râkshasa mort se dégage un gandharva, qu’un dieu avait autrefois maudit jusqu’au jour où la flèche de Râma viendrait briser le charme. On pense bien que le gandharva ayant repris sa forme naturelle, ne manqua pas de bénir son sauveur, puis

  1. Râm., III, 6. 1.
  2. Ib., ib., 7, 5.
  3. Ib., ib., 23.