Page:Annales du Musée Guimet, tome 2.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
TEXTES SANSCRITS DÉCOUVERTS AU JAPON

hardie du texte, c’est-à-dire que les Buddhas couvrent les pays buddhas de l’organe de leur langue, puis la déplient, cela ne peut guère signifier autre chose que, d’abord ils s’efforcent de trouver des mots pour les excellences de ces pays et ensuite les révèlent ou les proclament. Cependant Burnouf (Lotus, p. 417) prend l’expression dans son sens littéral, bien qu’il soit choqué de son grotesque. Sur ces buddhas et leurs pays, voir Burnouf, Lotus, p. 113.

24 Pratîyatha. Les textes donnent à tout instant pattîyatha, évidemment la forme palie pour pratîyata. J’ai conservé tha, terminaison palie de la 2e  personne du pluriel de l’impératif au lieu de ta, parce que cette forme était évidemment intentionnelle, tandis que pa pour pra peut être un accident. Cependant je ne doute guère que patiyatha se trouvât dans le texte original. Nous voyons plus loin par sraddadhâdhvam, etc., qu’il a un sens impératif. D’autres traces de l’influence du pali ou du pracrit sur le sanscrit de notre Sûtra se révèlent dans arhautaih, variantes d’interprétation pour arhadbih que j’ai choisi de préférence ; sambahula pour bahula ; dhriyate yâpayati ; purobhaktena ; anyatra ; sankhyâm gakkhanti ; avaramâtraka ; vethana, au lieu de veshtana, dans nirvethana ; dharmaparyâya (Corp. Inscript., pl. XV), etc.

25 Le Sukhavatîvyûha, même dans son texte le plus court, est appelé un Mahâyâna-sûtra, et il n’y a pas de raison pour qu’un Mahâyâna-sûtra ne soit pas court. Le sens de Mahâyâna-Sûtra est simplement Sûtra appartenant à l’école Mahâyâna ou du Grand Véhicule. C’est Burnouf, dans son « Introduction à l’Histoire du Buddhisme » qui s’efforça à grand’peine d’établir une distinction entre les Vaipulya ou Sûtras développés et ce qu’il appelle les Sûtras simples. Les Vaipulya Sûtras peuvent appartenir tous à l’école Mahâyâna, mais cela ne prouverait pas que tous les Sûtras de l’école Mahâyâna soient vaipulya ou Sûtras développés. Les buddhistes n’admettent pas le terme de Sûtra simple en opposition aux Vaipulyas ou Sûtras développés ; cette opposition est en réalité une invention de Burnouf. Il y a sans doute une grande différence entre un Vaipulya Sûtra, tels que le Lotus de la bonne Loi, traduit par Burnouf et ceux qu’il a traduits du Divyâvadâna. Mais ce que Burnouf considère comme le signe distinctif d’un Vaipulya Sûtra, c’est-à-dire la présence des Bodhisattvas comme disciples du Buddha Sâkyamuni, ne peut plus être soutenable[1], à moins que l’on ne classe notre court Sukhavatîvyûha comme Vaipulya ou Sûtra développé. Rien ne nous y autorise. Notre Sûtra est appelé un Mahâyâna Sûtra et jamais Vaipulya Sûtra, et cependant parmi les disciples du Buddha les Bodhisattvas se montrent en nombre considérable. Bien plus, Amitâbha, le Buddha de Sukhavatî, autre personnage que Burnouf considère comme spécial aux Vaipulya-Sûtras, en réalité un des Dhyâni-Buddhas, quoiqu’il ne porte pas ce nom dans notre Sûtra, en est le sujet principal et y est représenté comme contemporain du Buddha Sâkyamuni[2].

Le texte le plus long du Sukhavatîvyûha semblerait parfaitement tomber dans la catégorie des Vaipulya sûtras, d’après la définition de Burnouf, mais il ne porte pas ce nom dans les manuscrits que j’ai vus, et Burnouf lui-même donne une analyse de ce Sûtra (Introduction, p. 99) comme un exemple d’un Mahâyâna Sûtra et non d’un Vaipulya Sûtra.


  1. La présence des Bodhisattvas ou leur absence intéresse donc le fond même des livres où on la remarque, et il est bien évident que ce seul point trace une ligne de démarcation profonde entre les Sûtras ordinaires et les Sûtras développés. Burnouf, Introduction, p. 112.
  2. L’idée d’un ou de plusieurs Buddhas surhumains et celle des Bodhisattvas créés par eux, sont des conceptions aussi étrangères à ces livres (les Sûtras simples) que celle d’un Adi-Buddha ou d’un dieu. — Burnouf, Introduction, p. 120.