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LA RELIGION EN CHINE

tion est une action spontanée qui n’a pas eu d’agent, et que la personnalité de Dieu n’existe pas. Telle fut la forme qu’ils donnèrent à leur philosophie nationale ; elle est bien différente de l’ancien système chinois, dans lequel la doctrine de la personnalité de Dieu est manifestement un article de foi, bien qu’on ne dise pas expressément qu’il soit ie Créateur existant par lui-même et éternel.

C’est l’enseignement de ce système moderne que le commissaire Yéh développe dans ses entretiens avec M. Wingrove Cooke, et que ce dernier rapporte dans son livre : La Chine en 1857-58. Dans le portrait très exact et très intéressant qui est fait du commissaire Yéh, celui-ci parle quelquefois avec l’esprit d’un Chinois de pure école confucéenne, comme lorsqu’il dit : « Tien, signifie proprement le ciel matériel seulement, mais il désigne également Shang-ti (le souverain suprême) ; il n’est pas permis de prononcer son nom avec légèreté, et c’est pour cela que nous le désignons par le nom de sa demeure qui est Tien. » D’autres fois, il tombe dans la phraséologie de l’école moderne lorsqu’il dit : « Shang-ti et Taou-li (la raison, la raison suprême) sont une seule et même chose. » Il dit ensuite, à propos du personnage que les taouïstes adorent comme Shang-ti (un prêtre de cette religion qui vécut sous la dynastie de Han) : « Shang-ti est un Taou-li, taouiste. » Ceci est un exemple de la facilité avec laquelle, dans la conversation, les Chinois sautent d’un point à un autre sans donner à leur interlocuteur le moindre avertissement. Pour comprendre des individus tels que le commissaire Yéh, il faut distinguer entre les différents systèmes avec lesquels ils sont familiers. L’ancienne philosophie confucéenne doit être séparée de la nouvelle, et il faut tenir bon compte des particularités du bouddhisme et du taouisme. Une des conclusions de M. Cooke est que « la philosophie confucéenne ne connaît que la nature, spontanément créée, active, mais sans intelligence ». Mais ceci est l’opinion des commentateurs modernes de Confucius et non de Confucius lui-même. Ils ont commencé à s’exprimer de cette façon quand ils ont appris du bouddhisme à édifier un système de doctrines négatives au lieu de doctrines positives. C’est l’esprit hindou qui fut leur guide dans cette opinion téméraire que la nature peul exister sans Dieu. Les philosophes chinois ne surent pas résister au désir de spéculer sur les lois du monde, et conservant La phraséologie de