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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

rance, mais aux expressions familières, aux archaïsmes et autres causes qui montrent les particularités du langage de l’époque où les Gâthâs furent écrites. Le caractère familier du langage des bardes ou rhapsodes populaires, est, d’un autre côté, aussi bien connu en Europe que dans l’Inde.

« Leurs ballades et romans, le plus souvent improvisés, ne pouvaient atteindre une grande pureté de diction et leur succès dépendait, en grande partie, de leur simplicité familière. Un nombreux auditoire composé d’hommes de classes et d’ordres différents, ne pouvait guère subir l’influence d’un langage raffiné et élevé. Une seule vulgarité, ou un mot familier, en pareil cas, faisait plus d’effet que le discours d’un puriste. Cela est particulièrement compris dans l’Inde. Nos Ghâtaks ou Rhapsodes ne sont pas des ignorants ; ils peuvent écrire correctement en sanskrit, mais leurs ballades et leurs vers élogieux sont hérissés de mots vulgaires et familiers empruntés à la langue usuelle et, plus ils s’en servent, plus ils réussissent à se faire applaudir d’un nombreux auditoire.

« Que les ancêtres de nos Ghâtaks et de nos Bhâts aient aussi bien compris ce système et l’aient suivi avec soin, il n’y a nulle raison d’en douter. Les écrits des Kouladjñas bengalis prouvent avec évidence que tel a été le système pendant mille ans, au moins, et que, auparavant, c’est aussi le même système qui a dû agir. Le goût du peuple pour cette forme populaire de langage est si marqué que, aujourd’hui même, la récitation du Mahâbhârata et du Râmâyana ne peut attirer un nombreux auditoire à moins de mêler au récit original des expressions vulgaires qui lui donnent une couleur locale. Quand les textes originaux sont, le matin, lus et expliqués en simple prose, à l’occasion de cérémonies appelées Kathakatha, l’auditoire est réduit à quelques personnes, rarement plus d’une douzaine ; mais lorsque, dans l’après-midi, les mêmes récits sont embellis par un Kathaka avec toute